7 juil 2015

Referendum grec : l'extrême-gauche française dans les mains du trotskysme

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Le trotskysme a une approche toujours similaire face à un phénomène social ou politique : il prétend que celui-ci est forcément bien, mais n'irait pas assez loin. Le trotskysme se pose alors comme fraction de gauche du phénomène en question.

Il n'y a jamais aucune lecture culturelle et idéologique : c'est cela qui différencie le trotskysme du maoïsme.

Le succès du « non » lors du referendum grec révèle ici à quel point l'extrême-gauche française est tombée entièrement dans les mains du trotskysme, même quand elle se prétend anarchiste voire « maoïste ».

En effet, l'extrême-gauche française a eu systématiquement comme position de saluer le « non » et son esprit avant le referendum, en expliquant que de toutes manières les élections ne servaient à rien et qu'il fallait aller plus loin.

L'extrême-gauche française espérait que le « oui » triomphe, pour qu'elle puisse faire de grandes déclamations contre les « complots » du FMI et de l'Union Européenne, et se positionner ainsi comme pôle « vraiment radical ».

Dossier sur Trotskysmes et néo-socialismes françaisMalheureusement pour elle, le « non » a gagné. Et là les contradictions au sein même du capitalisme se révèlent. La fiction d'un gouvernement grec réformiste et devant se casser la gueule tombe à l'eau. SYRIZA est un parti porté par toute une partie de la société grecque, de la bourgeoisie grecque, et donc il ne s'agit pas d'une sorte d'anomalie…

Il y avait alors deux positions : reconnaître que SYRIZA est en réalité une force social-fasciste, du même type que Hugo Chàvez, Jean-Luc Mélenchon, le PCF des années 1980, etc.… Ou bien considérer qu'après tout, SYRIZA ce n'est pas si mal que cela, mais que cela ne va pas assez loin contre la « finance ».

L'extrême-gauche française rejetant le maoïsme, elle a choisi la seconde option.

Il est naturel que le Nouveau Parti Anticapitaliste soit sur cette ligne ; dans son communiqué « Le peuple grec dit « non » massivement à la Troïka impérialiste », il dit logiquement :

« Le NPA salue la volonté du peuple grec d'en finir avec l'austérité permanente, qui ne sert qu'à remplir les coffres forts des banques et de la finance mondiale. »

Cependant, Lutte Ouvrière elle-même dit la même chose, à mots couverts, dans son communiqué « Une bataille électorale gagnée contre les étrangleurs du peuple grec, mais la guerre continue » :

« Malgré le concert de menaces des chefs d’État d’Europe, relayés par les médias à genoux devant le grand capital, malgré les nantis grecs, les classes populaires ont exprimé leur refus de continuer à subir les baisses de salaires, les licenciements, les coupes dans les retraites, le plongeon dans la pauvreté. Elles ne veulent plus payer pour une dette qu’elles n’ont pas faite et dont elles n’ont en rien profité (…) Mais avec la crise, investir dans la production sans avoir la certitude de vendre, c’est un risque que les groupes capitalistes les plus puissants refusent de plus en plus de courir. Ils ont trouvé mieux : prêter de l’argent aux particuliers, aux collectivités locales, aux institutions, aux États, moyennant intérêts. En somme, l’usure à la place de la production.

Depuis des décennies, la finance pénètre toute la société, la ligote, l’étouffe. Le crédit se substitue aux salaires insuffisants. Les hôpitaux destinés à soigner doivent de plus en plus assurer le paiement d’intérêts aux banques, quitte à rendre les conditions de travail du personnel hospitalier insupportables et la qualité des soins problématique. Les municipalités et les collectivités locales sont étranglées par leurs dettes. »

Le Parti Communiste des Ouvriers de France, membre du Front de Gauche, dans son communiqué « Bravo au peuple grec. Il a résisté aux pressions et a voté "non" à l'austérité », ne dit pas autre chose :

« Nous saluons cette victoire qui est celle des travailleurs, des retraités, des jeunes, des femmes des milieux populaires... qui ont redonné mandat au gouvernement Tsipras d'en finir avec la politique d'austérité et les diktats de la troïka. »

L'Organisation Communiste Libertaire n'a pas pris de positions officielles, mais a diffusé des documents grecs montrant que le non était positif car il pouvait être un moyen de déborder le gouvernement (« Transformons le référendum du gouvernement en un grand NON ouvrier et populaire à la poursuite de la politique des mémorandums »).

Alternative Libertaire a fait de même, expliquant que :

« Dénonçant un « coup d’État économique », les anarcho-syndicalistes [grecs] s’attaquent aux banques et entreprises qui bloquent le versement des salaires, appellent à une grève générale anticapitaliste et à tout faire pour que le « oui » ne l’emporte pas au référendum du 5 juillet. »

Voie Prolétarienne a une position, encore une fois, absolument pareil : le « non » est positif mais il doit être débordé ; le parallèle est même fait avec le « non » à la constitution européenne de 2005, qui aurait été positif mais ne serait pas allé jusqu'au bout.

« Même si le référendum a été le temps d’une mobilisation de masse, le peuple grec ne pourra en rester aux outils de la démocratie bourgeoise. Souvenons-nous du référendum sur le Traité constitutionnel européen en 2005 ; rien n’est garanti pour le peuple grec s'il ne renforce pas son organisation, sa vigilance et sa mobilisation à long terme pour combattre les plans d’austérité. »

« Victoire du Non au référendum en Grèce : une défaite pour les impérialistes mais l’alternative reste à construire ! (…) Avec le référendum le gouvernement grec joue une de ses dernières cartes. La victoire du NON est une défaite pour les impérialistes, mais ce n’est pas nécessairement une victoire pour le peuple, qui ne devrait pas voir ses conditions de survie s’améliorer de ce fait. Tsipras espère se servir de ce résultat pour obtenir un peu plus dans les négociations avec les institutions internationales (…). Certaines organisations révolutionnaires de Grèce ont appelé à voter "Non", d’autres à l’abstention. Pour nous, c’est une appréciation tactique qui revient aux révolutionnaires grecs. Nous soutenons les organisations révolutionnaires marxiste-léninistes et maoïstes de Grèce dans leur travail de construction d’une unité populaire face à l’impérialisme, vers le renversement du gouvernement bourgeois et le pouvoir populaire. »

Qu'est-ce que tout cela montre ? Tout simplement que, comme en 2005 en France, les contradictions au sein de la bourgeoisie sont niées. Le gouvernement grec est considéré comme bourgeois réformiste, et par conséquent comme étant inconséquent et comme pouvant et devant être débordé.

C'est pratiquement comme si le gouvernement grec avait dû faire le referendum contre son gré, comme s'il était dépassé par les événements.

Voir la liste des articles sur la GrèceC'est là exactement la vision trotskyste, formulé par Léon Trotsky dans le Programme de Transition. Léon Trotsky y formule que les revendications des masses sont happées par la bourgeoisie réformiste mais que des revendications adéquates permettent de faire déborder la marmite sociale.

L'extrême-gauche française ne voit pas les choses autrement. Elle ne voit pas le gouvernement grec d'Alexis Tsipras comme social-fasciste, mais seulement comme social-réformiste. Elle ne voit pas le danger de l'ultra-nationalisme, elle ne voit pas les ombres du social-fascisme chinois et de l'impérialisme russe.

Faut-il être aveugle pour ne pas voir que la Chine a investi plus de 4 milliards d’euros pour exploiter deux terminaux du port de Pirée, et qu'elle compte acheter pas moins que tout le port !

Faut-il être aveugle pour ne pas voir que le gouvernement grec travaille main dans la main avec l’Église orthodoxe et les armateurs, ne touchant jamais à leurs intérêts pourtant si importants dans un pays où, par ailleurs, on ne finit pas de construire les maisons pour ne pas avoir à payer de taxes locales, où on ne déclare par définition rien aux impôts...

Seulement bien sûr, si on ne regarde que les apparences « sociales », alors on peut penser que le gouvernement grec serait réformiste, que Hugo Chàvez serait progressiste, et même que le social-impérialisme soviétique des années 1970 aurait joué alors un rôle historiquement positif.

C'est là qu'on voit véritablement qui est tombé dans les mains du trotskysme – « tout ce qui bouge est rouge », « on peut déborder avec un programme de transition » – et qui au contraire en reste fermement sur la base du matérialisme dialectique, du maoïsme.

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Le trotskysme a une approche toujours similaire face à un phénomène social ou politique : il prétend que celui-ci est forcément bien, mais n'irait pas assez loin. Le trotskysme se pose alors comme fraction de gauche du phénomène en question...