Les mots ont-ils un sens ? Tel est, encore une fois, ce qu'on peut se demander quand on lit le nouveau document de « Voie Prolétarienne ». Encore et toujours, on trouve ce jeu typique sur les mots, ces ambiguïtés et ces contorsions si traditionnelles, ces mensonges par omissions pratiquement standardisés.

C'est que, bien entendu, on est en France. Et dans la tradition des grandes écoles de la bourgeoisie, on lit au mieux les résumés des commentaires des résumés des commentaires de quelqu'un qui a lu les livres dont on veut parler. On parle de Karl Marx, on joue au marxiste, mais lire Karl Marx, pourquoi faire ?

« Voie Prolétarienne » explique, dans son dernier document tenu à son congrès :

« L’OCML Voie Prolétarienne est une organisation matérialiste et dialectique. »

Quels splendides mots que « matérialiste » et « dialectique ». Des mots disparus avant que le PCMLM ne les réassume – avec leur contenu. Des mots qui, désormais, fleurissent parfois, mais tel des fleurs du mal. Car en fait de matérialisme dialectique, il s'agit de contrebande, niant la dialectique de la nature, utilisant le mot dialectique à tort et à travers.

Lisons par exemple quelques lignes plus bas cet « éloge » de la théorie « matérialiste » :

« Elle [Voie Prolétarienne] défend une conception matérialiste du processus de la connaissance, où aucun débat n’est jamais achevé, où l’unité est toujours relative, alors que la contradiction est permanente, et où il faut pourtant savoir trancher les débats, prendre des décisions pour pouvoir avancer, au risque de s’enliser dans des confrontations sans fin. »

On a là des mots qui se veulent des références à Mao Zedong. Le problème, c'est que Mao Zedong n'a pas du tout tenu de tels propos qui sont un éloge du libéralisme ou, plus précisément, du relativisme. Regardons ainsi sur maozedong.fr ce qu'a dit Mao Zedong, par exemple dans « De la pratique ».

Il dit dans cette œuvre classique du matérialisme dialectique :

« La vérité d'une connaissance ou d'une théorie est déterminée non par une appréciation subjective, mais par les résultats objectifs de la pratique sociale.

Le critère de la vérité ne peut être que la pratique sociale. Le point de vue de la pratique, c'est le point de vue premier, fondamental de la théorie matérialiste-dialectique de la connaissance. »

Est-il donc juste de dire qu'aucun débat ne serait jamais achevé selon la conception matérialiste du processus de la connaissance ? Pas du tout, c'est même le contraire : la pratique est le critère de vérité, car le pratique signifie coller à la modification de la réalité, et donc connaître la substance de celle-ci.

Cela s'appelle la science – et c'est précisément la science que rejette « Voie Prolétarienne », au nom d'un maoïsme qui est un style économiste et empiriste, rejetant toute théorie, toute affirmation de la science, tout dogmatisme.

Voici ce que dit Mao Zedong, toujours dans « De la pratique », et de manière très claire au sujet du niveau scientifique de la théorie :

« Nous le répétons : La connaissance logique diffère de la connaissance sensible, car celle-ci embrasse des aspects isolés des choses, des phénomènes, leurs côtés apparents, leur liaison externe, alors que la connaissance logique, faisant un grand pas en avant, embrasse les choses et les phénomènes en entier, leur essence et leur liaison interne, s'élève jusqu'à la mise en évidence des contradictions internes du monde qui nous entoure, et par là même est capable de saisir le développement de ce monde dans son intégrité, dans la liaison interne de tous ses aspects. »

Il est évident que les « débats » dont parle « Voie Prolétarienne », ce sont ces discussions fondées sur l'expérience, coupée de toute approche scientifique qui est, elle, fondée sur la connaissance logique.

On devine la démarche tout à fait trotskyste de points de vue qui se confrontent, sans références aux classiques, sans démarche scientifique c'est-à-dire idéologique. On lit un peu des auteurs, on pioche, on est « créatif », sans discipline culturelle et théorique.

Et, naturellement, cela va avec des attaques systématiques contre lesmaterialistes.com comme quoi cela serait « intellectuel bourgeois », abstrait, etc. Ce rejet de l'abstrait, qui va chez certains « maoïstes » jusqu'à l'antisémitisme le plus pervers, contredit évidemment totalement le matérialisme dialectique.

Mao Zedong, toujours dans « De la pratique », dit ainsi :

C'est le matérialisme marxiste qui, pour la première fois, a résolu correctement ce problème, en mettant en évidence, de façon matérialiste et dialectique, le mouvement d'approfondissement de la connaissance, mouvement par lequel les hommes, dans la société, passent de la connaissance sensible à la connaissance logique au cours de leur pratique, complexe et sans cesse répétée, de la production et de la lutte des classes.

Lénine a dit : "Les abstractions de matière, de loi naturelle, l'abstraction de valeur, etc., en un mot toutes les abstractions scientifiques (justes, sérieuses, pas arbitraires) reflètent la nature plus profondément, plus fidèlement, plus complètement ."

Le marxisme-léninisme estime que les deux degrés du processus de la connaissance ont ceci de particulier qu'au degré inférieur la connaissance intervient en tant que connaissance sensible, au degré supérieur en tant que connaissance logique, mais que ces deux degrés constituent les degrés d'un processus unique de la connaissance.

Pour exprimer les choses plus clairement, disons simplement que si la connaissance sensible est le premier niveau de la fusée scientifique, le second est celui de la connaissance logique.

Voilà pourquoi lesmaterialistes.com est littéralement empli de documents théoriques, idéologiques, culturels. Et c'est ce niveau que le populisme « maoïste » est incapable d'atteindre, ou même plutôt de concevoir.

De là, une dépendance parasitaire par rapport à lesmaterialistes.com, qui consistent en trois types d'attitude : nier l'existence en reprenant des concepts, dénoncer l'existence en reprenant les concepts, trouver cela très bien afin de pourrir de l'intérieur car, comme l'a dit Staline, « les meilleures forteresses se prennent de l'intérieur ».

Voilà trois dangers, bien entendu, dont nous avons totalement conscience, et la discipline concernant la théorie, l'idéologie - dans l'esprit de la position historique de la social-démocratie - est la clef de la sauvegarde de la position juste.