L'ethno-différencialisme comme fond culturel de la manifestation du 13 janvier 2013
Submitted by Anonyme (non vérifié)Les manifestations contre le « mariage pour tous » ont rassemblé des personnes aux opinions politiques relativement diverses. Ainsi, lors de la manifestation du 13 janvier 2013, les multiples cortèges pouvaient être divisés en deux grands groupes. En effet, si leur objectif étaient le même (s'opposer au vote de la loi), leur « style » et les valeurs qu'ils affichaient se voulaient complètement différentes. Tandis que les uns, adoptant une attitude subversive, s'affichaient ouvertement homophobes (comme les catholiques intégristes de Civitas), les autres faisaient partie de la « France bien élevée », qui refusaient la loi pour le mariage des personnes homosexuelles mais, en même temps, revendiquaient le refus de l'homophobie.
Ces personnes feraient partie, comme le dit Gabrielle Cluzel, écrivain et journaliste catholique réactionnaire, de « la France bien élevée qui ne veut pas déranger, celle qui bosse et paie sans moufeter ses impôts, celle qui n’a jamais commis plus gros délit que de dépasser le temps imparti par un horodateur, celle qui cède sa place dans les transports en commun et aide les vieilles dames à monter leurs bagages dans le train ».
Ces « gentilles familles françaises » qui ont défilé avec des pancartes rose bonbon et bleu layette et qui sont opposées au mariage des personnes homosexuelles sans se percevoir comme homophobes sont donc mises en avant par la droite réactionnaire pour montrer que les opposants ne seraient pas de méchants homophobes mais des personnes tout à fait aimables et respectables. Le fait qu'il y ait eu beaucoup d'hommes politiques, de responsables religieux, d'intellectuels, de médecins engagés participe de ce même mouvement pour donner une image moderne et acceptable de la réaction.
Les médias sociaux-démocrates, quant à eux, identifient toutes ces personnes défilant gentiment comme des hypocrites ou de fins stratèges politiques avec l'argument que puisqu'elles manifestent contre le mariage des personnes homosexuelles alors, de fait, elles sont tout simplement homophobes. S'il y a un aspect tactique indéniable, le discours « contre l'homophobie » n'est pas que de l'hypocrisie, c'est réellement une vision du monde qui est véhiculée. Une vision du monde beaucoup plus subtile que la seule homophobie et qui traduit une idéologie autrement plus complexe et aboutie.
Et pour s'en convaincre, il suffit de regarder de plus près un des slogans qu'on retrouvaient fréquemment sur leurs pancartes : « La différence est la clé de l'existence ». Ce slogan a une signification toute particulière. Son sens premier est que ce sont les différences entre un homme et une femme qui permettent à la vie de se développer. Mais il y a également un deuxième niveau de compréhension : il existerait des différences fondamentales entre les êtres humains et, plus particulièrement dans ce cas, entre les personnes homosexuelles et les personnes hétérosexuelles.
Ainsi Frigide Barjot expliquait sur les personnes homosexuelles qu' « en refusant le mariage gay, ils cultivent ce qui fait leur singularité et leur richesse : la subversion homo ! ». C'est un discours qui est repris par Xavier Bongibault, jeune homme homosexuel de 21 ans qui soutient les manifestations contre le « mariage pour tous ». Voici ce qu'il dit :
« Et puis, pourquoi vouloir tenter d’effacer toutes les différences ? Je pense que les personnes homosexuelles qui se battent tant pour le mariage des couples du même sexe ne sont pas à l’aise avec leur sexualité. Elles veulent absolument mimer le schéma normatif de la famille et du couple. Or la différence n’est pas la discrimination. Moi je suis pour le droit à une différence. Même si je ne dis pas qu’il ne faut pas une forme d’égalité. »
En parcourant les sites d'actualités, on retrouve aussi l'avis d'un grand-père censé incarné la « gentille famille française » :
« Les homos ont toujours réclamé “le droit à la différence”. Avec raison. Pourquoi demander aujourd’hui le droit à l’indifférence dans le mariage ?, s’interroge Gilles, jeune grand-père entouré de ses petits-enfants. L’égalité des droits, dans la différence, pouvant être obtenue par un pacs amélioré. »
Ces opinions, centrées sur le « droit à la différence », sont l'opposé de l'universalisme et caractérisent tout à fait l'idéologie ethno-différencialiste.
L'ethno-différencialisme est l'idéologie des fascistes qui veulent se faire passer pour modernes, qui transforment le racisme en ethno-différencialisme pour le faire passer pour de l'anti-racisme.
Pour illustrer cela, il n'y a qu'à écouter les propos d'Alain de Benoist, le principal idéologue du fascisme en France entre les années 1960 et 2000 : « toutes les races [...] ont leur génie propre. Je m’explique. Une race humaine n’est pas seulement une unité zoologique. C’est aussi un devenir, c’est-à-dire un passé, une culture, une histoire, un destin. ».
Cette idéologie vise donc ni plus ni moins à cloisonner les êtres humains, à revendiquer le fait qu'ils ne forment pas une unité et qu'ils ne pourront jamais se mélanger et, finalement, vivre ensemble de manière harmonieuse.
Et cette idéologie qui transparaît dans le slogan : « La différence est la clé de l'existence » et beaucoup plus explicitement dans les discours ci-dessus.
Autrement dit, ces « gentilles familles françaises bien élevées » souscrivent, de manière inconsciente ou non, à une idéologie fasciste. C'est cette idéologie qui leur permet de se dire contre l'homophobie alors qu'en réalité ils sont bel et bien homophobes.
D'ailleurs, cette idéologie va bien plus loin que l'homophobie puisqu'elle touche également la question du racisme et du sexisme.
C'est pourquoi des personnes comme Frigide Barjot, la « catho branchée » ou Xavier Bongibault qui incarnent le côté « cool » de la manifestation sont en réalité les vecteurs d'une idéologie qui ne tient même pas du conservatisme radical mais bien du fascisme.
Les manifestations contre le mariage des personnes homosexuelles auront donc été une formidable occasion pour l'extrême-droite de diffuser massivement le message fasciste de manière « indirecte » et par conséquent de réaliser une solide conquête culturelle. La stratégie de cette position culturelle est d'ailleurs très fine car elle a permis de faire sauter la réticence qu'avaient certaines personnes à manifester contre le « mariage pour tous » et de permettre à beaucoup d'assumer leur opposition à ce mariage.
Cette culture ethno-différentialiste véhiculée par la frange qui se veut la plus moderne et branchée parmi les manifestants explique également pourquoi il était tout à fait logique que les Identitaires et l'Action française défilent en compagnie de ces personnes se disant contre l'homophobie : l'idéologie sous-jacente est la leur.