17 fév 2013

Manifestation lyonnaise antifasciste : un succès impossible sans prise en considération de la loi Gayssot

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Hier une manifestation antifasciste a eu lieu à Lyon, ce qui est un événement d'importance. Au sens strict, cette manifestation a effectivement un sens éminemment antifasciste, puisqu'elle visait à faire pression pour la fermeture d'un local fasciste, « la Traboule », dans une ville où l'extrême-droite dispose de commandos violents particulièrement virulents.

De par la situation à Lyon, l'antifascisme dans cette ville a une importance particulière, pratiquement aux avant-postes.

Sur le papier, il s'agissait cependant simplement d'un appel sous le mot d'ordre « ensemble, fermons le local fasciste ! », signé par le collectif 69 de vigilance contre l'extrême droite, c'est-à-dire par toute la gauche et l'extrême-gauche traditionnelle, y compris gouvernementales :

Attac, CCRASS, CGA, CGT Educ'Action, CGT Vinatier, CNT, COVRA, EELV, Fédération Rhone-Alpes des MJC, PCF, PG, GU, GA, Alternatifs, FASE, CA, FSU, HES, JEL, LDH, Planning Familial, MRAP, NPA, PS, Ras l'Front, RESF, Résistance Citoyenne, SOS Racisme, Sud Education, Union Syndicale Solidaires, UJFP, Les Voraces...

C'est évidemment logique – cela fait des années qu'anarchistes et trotskystes basculent dans l'esprit du « mouvement social », du débordement « par la gauche » des socialistes, etc.

L'antifascisme sur une base de classe, de mobilisation populaire autonome par rapport aux institutions, n'a pratiquement jamais existé en France à part en partie durant le front populaire. Même les SCALP des années 1980 ont été plus que poreux à SOS racisme et le Parti Socialiste (sans parler du rôle des trotskystes, notamment du « Parti Communiste Internationaliste »).

En tout cas, ce sont pratiquement 3000 personnes qui ont participé, alors que du côté de l'extrême-droite se tenait un « forum de la nation » à l'appel des Jeunesses nationalistes. Ce « forum » s'est tenu dans un lieu secret, alors que dimanche matin très tôt, un incendie avait détruit le lieu de réunion prévu : l’établissement le « Yacht Espace Saint-Germain », à Saint-Germain-au-Mont-D’or.

Tout cela ressemble à un évident succès et l'affirmation du refus du développement de l'extrême-droite. C'est indéniablement une affirmation de volonté de blocage.

C'est la preuve que l'unité à la base est la seule méthode pour parvenir à faire un front suffisamment fort pour stopper les fascistes.... A ceci près qu'il faut dire ici freiner, et non pas stopper.

Si l'extrême-droite peine encore terriblement à prendre ses marques, elle commence à se structurer fortement, avec différentes variantes, comme les Jeunesses Nationalistes ou Troisième Voie.

Affirmer une unité sans contenu face à la progression de l'extrême-droite ne suffira donc pas. Cela ne veut pas dire ici que l'antifascisme doive rejeter des militants de partis gouvernementaux, cela serait une aberration en contradiction fondamentale avec les enseignements du Front Populaire qui veut l'unité à la base, court-circuitant les directions.

C'est le b-a-BA du Front Populaire tel que défini par l'Internationale Communiste (et donc cela va par exemple à l'opposé de prétendre résumer l'antifascisme à une sorte d'avant-gardisme hétéroclite ultra-radical faisant un syncrétisme anarcho-marxiste).

Cependant, l'unité doit avoir un contenu, et il manque une chose essentielle dans la structuration du front antifasciste lyonnais : l'affirmation de la défense de la loi Gayssot.

Il ne peut pas y avoir d'unité antifasciste sans défense de la loi Gayssot. Il n'est pas possible de travailler avec des gens de partis ayant des députés et des sénateurs et de ne pas exiger que la seule loi pratiquement utile, issue des luttes des masses contre le racisme, soit revendiquée et protégée.

Si l'on veut réellement convaincre les progressistes sincères dans de tels partis, il faut leur montrer les contradictions existantes.

Or, la loi Gayssot empêche en effet la mise en avant ouverte de thèses racialistes, et surtout elle bloque l'émergence d'un antisémitisme ouvert, absolument nécessaire à l'anti-capitalisme romantique.

Elle joue un rôle antifasciste vital. Le jour où la loi Gayssot tombera, la boîte de Pandore des idéologies fascistes sera ouverte.

L'antisémitisme servira alors de moteur mobilisateur. Si d'ailleurs la gauche et l'extrême-gauche « oublient » la loi Gayssot, c'est qu'elles nient totalement l'antisémitisme. Il suffit de regarder les positions et les documents de l'extrême-gauche pour voir que la question n'est absolument jamais abordée.

L'affaire Merah a été entièrement passée sous silence ; la question de l'antisémitisme est systématiquement oubliée.

De la même manière, la loi Gayssot va être « oubliée » par les partis gouvernementaux, elle va être mise de côté comme « superflue. » C'est ce qu'a révelé les deux derniers procès de Dieudonné.

Là est le problème, et loin de lutter réellement contre le fascisme, la social-démocratie ne fait que lui préparer le terrain. Car c'est un exemple frappant que cet hallucinant libéralisme dont jouit Dieudonné.

Sous couvert d'humour, Dieudonné est en fait un provocateur au service du fascisme. Depuis des années, il est une des pièces principales du fascisme pour repousser les barrières qui entravent sa liberté d'action. Grotesque et décadent, il repousse à chaque fois les limites pour donner ne aura subversive au fascisme et rendre acceptable la parole fasciste.

Dieudonné a d'ailleurs une très grande popularité. Il remplit régulièrement des salles avec plusieurs milliers de spectateurs, passe dans de nombreux pays et quand il n'est pas en tournée son théâtre privé rue de la Main d'Or à Paris ne désemplit pas. Son public est clairement un public engagé, en témoigne les 350 000 euros qu'il a réussi à collecter au mois de janvier 2013 grâce à un appel aux dons public pour racheter sa maison de campagne saisie par les impôts en gage pour le demi million d'euros d'impôts que Dieudonné avait tenté de ne pas payer.

Dieudonné a certes été condamné à plusieurs reprises à des amendes de quelques milliers d'euros, mais cela n'est en réalité que de la poudre aux yeux lancée par la social-démocratie pour faire croire qu'elle lutte contre le fascisme, alors qu'elle le laisse prospérer.

L'exemple le plus frappant sont les deux dernières condamnations de Dieudonné pour deux « sketchs » de propagande négationniste.

En 2008, lors de son spectacle au Zénith devant plus de 5000 spectateurs, Dieudonné a fait monter sur scène le nazi et principal propagandiste négationniste Faurisson pour lui faire remettre par son assistant, déguisé en juif déporté en camps de concentration, le « prix de l'infréquentabilité » pour son « oeuvre » - à savoir la négation de la Shoah et des chambres à gaz.

A la suite de sa première condamnation pour cet acte de propagande antisémite de grande ampleur, il a publié sur youtube un nouveau « sketch » dans lequel il chante avec son assistant, toujours déguisé en déporté, sur l'air de la chanson « chaud cacao » d'Annie Cordy un hymne négationniste « Shoah Nanas ».

Dieudonné a été condamné pour ses deux « sketchs » par des amendes de 10 000 et 20 000 euros.

Mais dans les deux cas, alors que l'on est clairement dans la propagande négationniste, c'est pour « injure à caractère raciale » et « incitation à la haine » que Dieudonné a été condamné. Robert Faurisson lui n'étant même pas condamné pour le sketch immonde - mis comme bonus au DVD du spectacle de Dieudonné - dans lequel il interprète un juif déporté en étant déguisé en uniforme de déporté en camp de concentration !

C'est-à-dire que dans les deux cas, alors que Dieudonné aurait pu clairement être condamné pour négation de crimes contre l'Humanité au titre de la loi Gayssot, l’État a choisi de ne pas le faire.

Le message envoyé est clair : la social-démocratie se prépare à revenir sur la loi Gayssot qui est le dernier verrou légal empêchant le fascisme de se développer librement.

Et pour se faire, elle dit en gros « vous voyez, il n'y en a pas besoin, Dieudonné peut être condamné grâce à d'autres lois ». Tout cela est tout bonnement lamentable et montre à quel point Staline avait raison quand il disait que la social-démocratie et le fascisme sont des frères jumeaux.

Alors qu'elle dit lutter contre le fascisme, la social-démocratie ne fait que le servir. Plutôt que de condamner lourdement et d'empêcher de nuire le propagandiste Dieudonné, elle le sert en le condamnant symboliquement sans qu'il soit vraiment impacter dans sa propagande par cela.

Avec ses pseudos condamnations, Dieudonné apparaît comme un « résistant » alors qu'en réalité il jouit d'une impunité hallucinante.

Il n'en cache même plus son antisémitisme viscéral derrière le masque « antisioniste ». Il peut tranquillement parler dans ses vidéos de « mafia juive », dire que « le juif bulgare Jean-François Copé » a « une tête de chameau » et que « en cas de match retour » il ne faudrait pas qu'il « vienne se planquer dans (sa) cave », car il le « dénoncera direct aux autorités ».

Il peut librement, dans sa dernière vidéo de remerciement à son public pour la collecte de 350 000 euros, insulter la mémoire des juifs martyrs et de leurs enfants survivants en disant alors qu'il faisait brûler un billet de 5 euros, pour critiquer « l'Argent », que s'il ne brûlait que 5 euros alors que Gainsbourg lui avait fait brûler un billet de 500 francs c'est parce que « moi je viens d'un milieu modeste, mes parents ne sont pas morts à Auschwitz ». 

Tout cela est terrible. Et c'est aussi là que se joue la question de l'antifascisme à Lyon.

Imaginer qu'un front institutionnel puisse stopper le fascisme est une illusion, travailler à la base pour le freiner et en profiter pour renforcer l'antifascisme a un sens – mais quel sens a-t-il sans compréhension concrète de la situation concrète ?

Enfin, il faut noter que sur un site étant prétendûment celui du collectif 69 de vigilance contre l'extrême droite, mais en fait un fake d'extrême-droite (l'adresse postale étant celle... du MEDEF), les fachos se faisant passer pour les antifas informent très savamment:

« Deux militants du collectif vigilance 69 contre l'extreme droite, qui tiennent un bar engagé dans le quartier populaire de la Croix-Rousse sont actuellement persécutés par la justice. Le Puzzle a toujours était un lieu d'échange et de convivialité où se tenait régulièrement nos réunions. Cette affaire intervient à quelques heures de notre grande manifestation antifasciste. Coincidence ?

Nous vous invitons à soutenir nos deux amis *** et son fils *** en envoyant vos dons aux collectif vigilance. SOLIDARITE !

Lire l'article du Progrès à ce sujet. »

Voici l'article du Progrès en question (les noms ont été enlevés), dont l'extrême-droite naturellement en fait ses choux-gras. A croire que tout cela est orchestré pour que la répression policière serve directement les fascistes pour leurs arguments, ce qui est vraisemblable - mais pose clairement pour autant le problème de ce qu'est une identité progressiste.

« Lyon 4e. Les policiers anti-drogue soupçonnaient l’existence d’un trafic depuis dix-huit mois, dans un bar-restaurant de la Croix-Rousse. Père et fils ont été arrêtés.

Les difficultés financières ont-elles poussé un patron de bar-restaurant à se renflouer en pratiquant un commerce parallèle ? Le petit trafic n’a en tout cas pas réussi à sauver le Puzzle, l’établissement devant fermer à la fin du mois. Le rideau se baissera plus tôt que prévu, le gérant et son fils ayant été arrêtés mardi.

Depuis octobre, le GEAD ouest (Groupe d’enquête anti-drogue) de la Sûreté départementale soupçonnait l’existence d’un trafic de stupéfiants, dans ce bar-restaurant de la rue de Cuire, à la Croix-Rousse, un trafic qui remonterait à dix-huit mois. Un client a même été hospitalisé après avoir consommé la mixture du patron.

Lundi, les policiers contrôlent deux habitués à l’extérieur de l’établissement en possession de résine de cannabis.

Mardi, rebelote : la prise est bonne. Un homme qui traînait aux abords est trouvé avec 1 gramme de cocaïne ; un autre est interpellé dans le studio du fils du gérant, alors qu’il lui achète une barrette.

Au bar, les soupçons se vérifient : ***, le patron du Puzzle, 38 ans, a derrière son comptoir, 204 grammes de résine de cannabis et 11 grammes de cocaïne. La perquisition à son domicile de Craponne est également concluante : les enquêteurs mettent la main sur 8 230 €, 545 grammes de résine et 32 grammes de cocaïne.

En dix-huit mois, le gérant aurait acheté 8 kg de résine et 1 kg de cocaïne pour un bénéfice évalué à 22 000 €.

« Un commerce mortifère », a déclaré le procureur, hier, lors de la comparution du père et du fils. Le paternel revendait la drogue à raison de 50 grammes de cocaïne et 400 grammes de cannabis par mois. Le fiston de 22 ans s’approvisionnait chez papa, servait de « nourrice » en stockant la drogue dans son studio et, pas avare de services, lui tenait sa comptabilité.

 

Inconnu de la justice, le gérant a expliqué qu’il était criblé de dettes et que son commerce prenait l’eau de toute part. Il avait dû licencier son cuisinier et ne conserver que l’activité bar. Sa bouée de sauvetage : un « plan résine ». Une idée que lui a glissée son ancien cogérant, décédé des suites d’une consommation de cocaïne.

Au total, 20 clients résidant pour la plupart à la Croix-Rousse ont été entendus, deux comparaîtront devant une Maison de justice et du droit. Sébastien Roussy a été condamné à trois ans de prison, dont un an avec sursis et a été incarcéré à l’issue de l’audience. Son fils, Florian a écopé de 18 mois, dont 12 mois avec sursis. »

S'il en faut croire les journalistes, c'est la preuve encore une fois que les drogues, cette terrible plaie, et notamment la cocaïne gangrène une extrême-gauche « rock'n roll » moribonde et toujours plus décadente - ce que tout le monde sait déjà, même si le thème n'est jamais abordé, étant un tabou libéral-libertaire.

On est ici très loin d'une proposition révolutionnaire positive, valable pour toutes les masses populaires, et c'est là un problème terrible en général quand on veut faire la révolution – on ne doit pas s'étonner après de la vigueur du Parti Socialiste – mais encore plus quand on veut faire face au fascisme, qui prétend régénérer la société.

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