Merah, le 11 septembre, une même logique anticapitaliste romantique
Submitted by Anonyme (non vérifié)Il y a une vingtaine de jours à peine se terminait la série d'attentats de Mohamed Merah. Comme nous l'avions prévu, la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie ont tout fait pour en diminuer la portée et reprendre le ronron électoraliste.
Ainsi, pour certains Merah n'était qu'un "fou psychopathe", pour d'autres le représentant des "dangers d'une immigration incontrôlée", un "anti-impérialiste qui se trompe", un produit d'un complot des services secrets, certains vont même jusqu'à dire carrément qu'il n'existe pas. Derrière tout cela, ce qui est systématiquement nié c'est l'essence politique de Mohamed Merah et de ses actes. Car oui, Mohamed Merah était un militant, un militant fasciste islamiste avec une vision du monde propre, des positions politiques et une stratégie.
Depuis le 19 Mars, nous avons essayé d'analyser en profondeur, de manière matérialiste le sens de ces attentats, leur portée historique, leur fond politique et la place qu'ils tiennent dans notre époque de crise capitaliste avancée. Bref, nous avons placé l'idéologie au poste de commandement, nous avons agi en authentiques communistes.
Mohamed Merah était un militant salafiste djihadiste membre de la mouvance d'Al Qaeda. Nous avons défini que le salafisme est une forme d'anticapitalisme romantique et que sa perspective stratégique n'est pas l'offensive politique, mais la défense de "l'idéologie naturelle" qui serait assiégée par les forces du Mal. Cette vision du monde se concrétise dans la lutte contre les "forces judéo-croisées", s'appuyant ainsi sur l'antisémitisme d'une part et la mise en avant du "mythe" des Croisades comme mythe mobilisateur d'autre part.
Ainsi, au lieu de voir le capitalisme et l'impérialisme, les islamistes se perçoivent comme réitérant les guerres des Croisades pour revenir à un monde ancien considéré comme "pur". Ce qui est vu c'est une coalition "des juifs et des croisés" ainsi que le disait Adam Gadahn le "porte-parole" d'Al Qaeda pour les USA dans une de ses déclarations: "Aux frères musulmans résidant dans les pays de la coalition des sionistes et des croisés (...) sachez que le jihad est un devoir."
Cette manière de voir révèle le profond idéalisme propagé par la religion. Ainsi, les islamistes sont incapables d'analyser scientifiquement, matériellement le monde d'aujourd'hui. L'idéalisme ne peut saisir le monde matériel dans sa complexité, il est incapable de synthèse ; sa méthode d'analyse du monde est l'analogie. Les islamistes ne pouvant saisir que l'impérialisme est un stade du capitalisme, sa synthèse "haute", ils convoquent des analogies avec le passé, réfléchissant ainsi en boucle. Ils voient ainsi deux aspects séparés mais alliés par une entente secrète dans le but de combattre la "vraie foi". Ainsi est vu d'un côté le capitalisme "juif" et de l'autre une guerre menée par les armées "croisées". L'alliance entre ses deux aspects étant matérialisée par l'Amérique.
Cette logique était clairement visible dans les attentats du 11 Septembre 2001 aux USA.
En effet, les militants d'Al Qaeda ont détourné 4 avions qui devaient être envoyés par couple sur un symbole de chacun de ses deux aspects. Deux des avions ont été lancé contre les deux tours du World Trade Center compris comme symbole du capitalisme juif et deux autres ont été envoyé contre le Pentagone considéré comme étant le Haut-Commandement croisé. Un des deux avions qui étaient sensés s'écraser sur le Pentagone a été détourné par la révolte de ces passagers et s'est écrasé loin de toute habitation.
Le déroulement même des attentats révèle la nature complètement idéaliste de l'idéologie salafiste et qu'elle est le produit de la bourgeoisie en pleine décadence. Au lieu de s'attaquer à la puissance matérielle réelle de l'impérialisme, les islamistes s'attaquent à des symboles, des entités irréelles. Tout comme les fascistes ou les anarcho-syndicalistes, ils pensent qu'en s'attaquant aux symboles de la "puissance", en mobilisant des mythes, ils pourront détruire la réalité matérielle.
De la même manière d'ailleurs, ils voient leur idéologie comme l'idéologie "naturelle" qui ne pourrait se révéler aux masses car elle serait activement combattu par les forces ennemies.
Cette manière de voir le monde provient de la position sociale dont ces idéologies sont le reflet. Dans le Livre 1 du Capital, Karl Marx expliquait que :
"La réflexion sur les formes de la vie sociale, et, par conséquent, leur analyse scientifique, suit une route complètement opposée au mouvement réel. Elle commence, après coup, avec des données déjà tout établies, avec les résultats du développement. Les formes qui impriment aux produits du travail le cachet de marchandises et qui, par conséquent, président déjà à leur circulation possèdent aussi déjà la fixité de formes naturelles de la vie sociale, avant que les hommes cherchent à se rendre compte, non du caractère historique de ces formes qui leur paraissent bien plutôt immuables, mais de leur sens intime. Ainsi c'est seulement l'analyse du prix des marchandises qui a conduit à la détermination de leur valeur quantitative, et c'est seulement l'expression commune des marchandises en argent qui a amené la fixation de leur caractère valeur. Or, cette forme acquise et fixe du monde des marchandises, leur forme argent, au lieu de révéler les caractères sociaux des travaux privés et les rapports sociaux des producteurs, ne fait que les voiler."
Les islamistes, comme tous les fascistes, ne peuvent voir que la forme finale de la marchandise, la forme "argent". Ils ne le peuvent car leur réalité matérielle n'est pas celle du prolétariat qui produit les marchandises et leur donnent ainsi leur valeur, mais celle de la petite-bourgeoisie qui ne voit que sa forme finale et la fétichise. Cette inversion imprègne donc toute leur vision du monde. Au lieu de voir des sommes rapports sociaux, ils ne voient que leurs manifestations. Ils pensent que ce sont ces manifestations, ces symboles qui sont la valeur alors qu'ils ne font que la porter, lui donner une forme particulière. Ils investissent ces symboles d'une puissance qu'ils n'ont pas et les rendent ainsi fétiches.
Le but de leurs actions est donc de créer un choc dans la puissance ennemie et de révéler aux masses l'existence de la "vraie foi". C'est pour cela que les attentats des islamistes sont pensés comme des "œuvres d'art" et que tous les détails y sont réfléchis. Ainsi, la date du 11 Septembre écrite dans le formalisme anglais donne "9/11" ce qui rappelle le numéro des services d'urgences aux USA.
Dans la même idée, ils ont été lancé vers 9h du matin au moment où les employés des différentes entreprises du World Trade Center embauchaient afin de faire le plus de victimes possibles et de provoquer le plus grand choc possible. C'est ce même esprit qui présidait dans les attentats de Madrid du 11 Mars 2004 perpétré exactement 911 jours après ceux du 11 Septembre 2001.
En ne percevant que des symboles, l'idéalisme nie la dignité du réel, objective les individus, nie leur réalité vivante et matérielle. Sa manifestation concrète ne peut donc qu'être la barbarie car il nie la vie. L'idéalisme porte en lui la logique génocidaire. Peu importe donc que la majeure partie des personnes tuées lors de ses attentats soient des enfants, des ouvriers, des employés, des jeunes allant en cours, etc. ; ils n'étaient plus dans l'esprit des islamistes des êtres humains mais des choses, des parts du symbole. Seul comptait le nombre le plus grand possible de morts.
La preuve la plus irréfutable du caractère éminemment politique des attentats de Mohamed Merah tient de leur logique même. On retrouve ainsi toute la vision du monde qui était portée par les attentats du 11 Septembre 2001 trait pour trait.
Ainsi, en exécutant des militaires d'élites de l'armée impérialiste française, Mohamed Merah cherchait à attaquer la "force armée croisée". En s'attaquant plus précisément à des personnes identifiées comme potentiellement "musulmanes", le but était de créer ce "choc" au sein des masses musulmanes d'Europe. Peu importait leur importance réelle dans le dispositif impérialiste, l'objectif de Merah n'était pas de bloquer la machin de guerre impérialiste mais de détruire des symboles.
De la même manière, le massacre de petits enfants juifs et de leurs parents est l'écho des avions s'étant écrasés sur le World Trade Center. Dans la logique antisémite, les personnes juives n'existent pas, elles ne sont que la manifestation vivante de l'Argent, des fétiches le représentant et le rendant concret. Les attaquer, les détruire, c'est attaquer l'Argent. Encore une fois, l'idéalisme amène à percevoir le monde de manière totalement déformée et son impuissance à agir dans le sens réel de l'Histoire se traduit en barbarie destructrice. En assassinant froidement des enfants juifs, Mohamed Merah s'imaginait s'attaquer à la finance et mais en fait c'est la vie elle-même qu'il a essayé de détruire.
On voit d'ailleurs l'identité profonde du 11 Septembre 2001 et des attentats de Mohamed Merah dans les réactions qu'ils ont suscitées.
Comme au lendemain du 11 Septembre, après l'identité de Mohamed Merah connu, se sont tout de suite développées des thèses négationnistes imputant l'acte aux services secrets ou en niant carrément la réalité. De la même manière, des photos de presse sont interprétées de manières aberrantes, la "réalité" étant sensée se faire jour dans les détails cachés à la manière des analyses mystiques.
Du côté des islamistes militants, le même fantasme de "puissance" se répand. Comme, ils pensent qu'en s'attaquant aux fétiches on s'attaque à la réalité, ils pensaient porter un coup fatal à la "coalition judéo-croisée" en ayant fait s'écraser deux avions sur World Trade Center et un sur le Pentagone ; alors que bien évidemment jamais le capitalisme en tant que système n'avait été ne serait-ce qu'ébranler et pas plus que l'impérialisme américain n'avait été touché -bien au contraire même.
Aujourd'hui, ils considèrent Mohamed Merah comme un "lion" qui aurait mis la France "à genoux". Il n'en est rien bien sûr. Mohamed Merah n'a fait qu'assassiner trois sous-officiers et massacrer des enfants juifs et un professeur d'hébreu. Ni l'Etat français n'a été touché en son sein ni, et encore moins, le système capitaliste n'a été ébranlé d'une manière quelconque. Ce qui reste des actions de Mohamed Merah c'est la mort et la destruction. Leur seul impact concret c'est le déchaînement de barbarie auquel ils vont immanquablement participé à donner naissance.
En général, le reflet religieux du monde réel ne pourra disparaître que lorsque les conditions du travail et de la vie pratique présenteront à l'homme des rapports transparents et rationnels avec ses semblables et avec la nature. La vie sociale, dont la production matérielle et les rapports qu'elle implique forment la base, ne sera dégagée du nuage mystique qui en voile l'aspect, que le jour où s'y manifestera l'œuvre d'hommes librement associés, agissant consciemment et maîtres de leur propre mouvement social. Mais cela exige dans la société un ensemble de conditions d'existence matérielle qui ne peuvent être elles-mêmes le produit que d'un long et douloureux développement.
Karl MARX, Le Capital