29 avr 2012

Résultats des élections à Florange et Gandrange : un cas typique

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Nous avons expliqué que le fascisme était en train de l'emporter dans la classe ouvrière, principalement dans les grands bassins industriels touchés par la crise ; que le Front National devenait la structure principale par laquelle s'exprime la colère de la classe ouvrière et la principale structure à représenter un recours apparemment possible.

 

Cette situation terrible est à comprendre dans toute sa mesure et sa complexité. Sans cela, aucune riposte antifasciste ne sera possible.

 

En effet, considérer que les masses "tomberaient dans le panneau" parce-qu'elles ne réfléchiraient pas et se laisseraient manipuler par la télé , est une erreur ... et une erreur mortelle.

 

Pire, prendre de haut le programme fasciste, ne pas voir sa dimension sociale et nier les motivations des masses qui le suivent est une absurdité totale !

 

Le résultat des élections à Florange et Gandrange sont un exemple très parlant de cette situation et de l'incapacité de l'extrême-gauche et de la social-démocratie à prendre la mesure de la catastrophe qui s'annonce.

 

Ces deux villes connaissent depuis plusieurs années des luttes importantes de la classe ouvrière contre la délocalisation des usines sidérurgiques par Arcelor Mittal. Les ouvriers, voyant la misère s'approcher à grands pas, se battent pour leur dignité.  Mais à part proposer une forme de réformisme "dur", le syndicalisme n'a rien à leur proposer.

 

Toutes les négociations et les promesses des politiques  n'ont mené au final à rien. L'aciérie de Gandrange a fermé et rien ne l'a remplacé. Celle de Florange est promise aussi à une fermeture prochaine.

 

Le syndicalisme est une voie sans issue pour la classe ouvrière. Il dépolitise la lutte de classe en la canalisant dans la négociation. Alors que c'est le mode de production capitaliste qui est en crise, il ne peut apporter de réponses.

 

Il ne peut même pas faire respecter la dignité de la classe ouvrière. Il se borne à "interpeller" les politiciens bourgeois et à dévoyer la lutte de la classe ouvrière pour quémander des indemnités. 

 

Les ouvriers sentent bien que la réponse doit être politique, globale. Que ce qui est en jeu va au-delà de la simple porte de leur usine. Ils cherchent alors des solutions.

 

Mais comme ils ont été désarmés idéologiquement et politiquement par le syndicalisme, ils ne peuvent saisir leur propre essence politique. Ils ont besoin du Parti, d'une idéologie, leur idéologie... mais il n'y a rien ! Rien, à part la social-démocratie et le fascisme

 

Ainsi, à Florange, qui est pourtant en pleine lutte depuis 2 mois, Marine Le Pen a fait 25,7% et François Hollande 32,3%. A Gandrange où l'usine a déjà fermé, elle fait 28,2% et François Hollande 29,7%.

 

Si Marine Le Pen peut faire de tels scores dans des villes ouvrières, en pleine lutte sociale, c'est que sa démagogie sociale paraît crédible. La porte de sortie "nationale" paraît de plus en plus la seule chose possible pour une partie grandissante de la classe ouvrière.

 

Et elle paraît d'autant plus raisonnable que le syndicalisme en refusant la politique et la culture, laisse la porte largement ouvert au développement du chauvinisme ou de la culture fasciste.

 

Il est évident que cette situation ne peut que se renforcer. En effet, les sociaux-démocrates ne changeront rien, car ils ne veulent rien changer et la crise va aller en s'amplifiant emportant vers la misère des secteurs toujours plus nombreux de la classe ouvrière. 

 

Et là on voit tout le décalage de l'extrême-gauche incapable de saisir l'essence de la situation.

 

Typiquement, les syndicalistes révolutionnaires de la CNT Lorraine ont déclaré dans leur communiqué sur les élections:

En premier lieu, la CNT souligne qu'à ce jeu électoral, c'est encore l'extrême droite qui a gagné du terrain.

 

Loin de responsabiliser l'abstention, nous réaffirmons que cette inquiétante poussée du fascisme en France est la conséquence directe de la gouvernance capitaliste des partis aujourd'hui au second tour.

 

En entretenant des thématiques xénophobes et en usant de la politique du fait divers, l'UMP n'a eu de cesse que de diviser les travailleurs et protéger les intérêts de ses alliés capitalistes. Quand au Parti Socialiste, ses alignements sur les thématiques de campagne de Sarkosy et les théories ultras libérales, n'ont fait qu'acter un abandon complet des classes populaires et de leurs revendications

Voilà qui est un point de vue complétement à côté de la plaque. Le fascisme n'est pas vu comme ayant une dynamique de développement propre.

 

En fait, selon l'approche typique du pseudo antifascisme radical anarcho-trotskyste, le fascisme est considéré comme une "gangrène", une chose anormale qu'il faudrait simplement dénoncer. D'ailleurs, en tout logique, les partis bourgeois institutionnels sont critiqués parce qu'ils ne le dénonceraient pas et "joueraient avec le feu". Le seul aspect du fascisme qui soit réellement perçu, c'est l'aspect ultra-réactionnaire xénophobe. 

 

Or, pour combattre le fascisme, il faut le prendre au sérieux. Il faut assumer la culture, l'idéologie, la politique. 

 

Dans la France des années 30, alors que le fascisme se développait à grande vitesse et soulevait de larges masses y compris au sein du prolétariat, une forte réaction démocratique de la classe ouvrière l'a empêcher de prendre le pouvoir.

 

Si cela a été possible, c'est justement parce-que cette dimension sociale du programme fasciste et l'importance du combat culturel à la base avaient été comprises par le Parti Communiste ; ainsi que le montre ce texte de 1936 :

Il faut prendre donc, très au sérieux, le programme des Croix de feu, si on veut combattre le fascisme français sur le terrain idéologique, ce qui est indispensable pour préserver les masses de la contagion fasciste.

Quelque part, on a écrit que ce programme était vide, absolument vide de tout contenu idéologique; c'est faux.

 

Le trait caractéristique du fascisme, c'est de se présenter devant les masses avec des formules simples qui flattent l'oreille du petit-bourgeois, des formules qui ne résistent pas à un examen critique sérieux, mais qui ne demandent aucun effort pour être retenues, car elles exploitent les préjugés nationaux, le chauvinisme et, en particulier, la soif de faire du neuf qui est l'apanage d'une jeunesse inquiète de son avenir. 

 

(...)

 

La victoire sur le fascisme ne vient pas d'elle seule ; il faut la remporter par une lutte opiniâtre de tous les jours, tendant à détruire les effets de sa démagogie nationale et sociale et à organiser les larges masses dans des puissants comités à la base pour imposer à tout prix la volonté du pays républicain. 

 

Paul Allard, Le fascisme et sa démagogie nationale et sociale 

 

Si le Front Populaire avait alors était subordonné au principe "républicain" en raison de la ligne erronée de Thorez, il n'en est pas moins que le principe du Front Populaire est juste, que ces lignes sont justes. L'antifascisme s'impulse par en bas et par la culture!

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