Près de quatre ans après l'arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti, le XVe congrès de Lyon a marqué le passage d'une étape importante pour le Front National. Depuis 2011 le Front National s'est développé, renouvelé et transformé : il est aujourd'hui à même d'organiser son ascension au pouvoir.

Ce congrès était totalement orienté vers cette question dorénavant centrale.

À ce titre, la « manifestation unitaire » organisée samedi contre la tenue du congrès a été un échec terrible. La faiblesse de sa mobilisation (autour 3500 personnes alors que c'était une manifestation nationale voire internationale) s'explique par la ligne ultra-gauchiste des anarcho-trotskystes.

Ce qui compte, ou plutôt ce qui devrait compter, c'est l'organisation d'une mobilisation authentiquement populaire, sur une base démocratique et large, afin de faire face à la prise du pouvoir fasciste. Or la ligne ultra-gauchiste des anarchistes et des trotskystes a totalement pris le dessus et empêché cette mobilisation.

Que ce soit les anarchistes venus casser des vitrines de banques, des abris-bus ou brûler des poubelles contre « le fascisme et la répression », ou le Nouveau Parti Anticapitaliste qui défilait aux slogans totalement anti-démocratique « Le Pen, Soral, Manuel Valls / Et hop tout ça à la poubelle » ou « Finkielkraut, Hollande, Dieudo / Et hop tout ça à la poubelle », tout cela ne fait que bloquer l'affirmation de l'unité démocratique nécessaire pour une mobilisation de masse contre la marche du fascisme au pouvoir.

Mais, les anarcho-trotskystes ne peuvent le voir, car ils ne se préoccupent pas des masses, leur démarche est totalement anti-populaire. Il tentent de concurrencer Le Front National sur le terrain de l'anticapitalisme romantique, là où Marine Le Pen est pour sa part capable d'expliquer de manière simple et « raisonnable » qu'elle est contre le « mondialisme » et les « marchés financiers ».

Ce qui est terrible, c'est que Marine Le Pen pour sa part sait mobiliser en direction des masses. Le Front National a compris qu'aujourd'hui elles sont paralysées, comme tétanisées par l'ampleur de la crise capitaliste.

Les masses françaises ne réclament pas de grandes furies ni d'ardeur impétueuse, alors le Front National propose un discours qui apparaît comme rationnel, raisonnable et constructif. Tel était au fond la ligne directrice du discours de clôture du congrès par Marine Le Pen, plébiscitée pour le renouvellement de son mandat à la tête du parti.

Cependant Marine Le Pen ne souhaite pas que les masses se mobilisent elles-mêmes, pour affirmer leur autorité face à la crise du capitalisme. Ce qu'elle propose, comme elle l'a dit à la fin de son discours de clôture de congrès, c'est un nouveau « contrat social ».

Cette référence au contrat social de Rousseau est très importante. Il s'agit pour le fascisme non pas de dépasser mais de régénérer la société bourgeoise française, qui s'est historiquement constituée en République, mais en passe de perdre ses aspects démocratiques originels.

Ainsi était-il important pour Marine le Pen de rappeler que ce contrat social qu'elle propose doit garder comme fondement la « liberté d'entreprendre ». La propriété privée des moyens de production doit être garantie car pour elle « l'État régule, mais n'écrase pas » :

« Nous sommes les seuls raisonnables, rejetant l'ultraétatisme et l'ultralibéralisme ».

Le fascisme n'est pas une révolution, les masses se voient simplement proposer un idéalisme nationaliste. Ce qui est mis en avant ce n'est pas l'héritage culturel national authentique mais des « identités », vagues et floues. Ce qui compte, c'est que les masses suivent, se rangent derrière la mobilisation nationaliste.

Les contours de cette mobilisation sont très nets par contre. Pour Marine Le Pen, la France, ou plutôt l'impérialisme français, a « subit plus que les autres » la « mondialisation » (c'est-à-dire le développement des contradictions inter-impérialistes depuis la chute du révisionnisme en URSS et la prise de pouvoir par le révisionnisme en Chine Populaire).

L'objectif du Front National consiste tout simplement à renforcer les positions de l'impérialisme français dans le cadre de ces contradictions au niveau mondial. Les moyens pour cela sont offensifs. Il s'agit ni plus ni moins que d'organiser un nouveau bloc impérialiste face aux États-Unis d'Amérique. Elle a ainsi affirmé :

« Notre Europe va de l'Atlantique à l'Oural, pas de Washington à Bruxelles ».

Cette ligne, matérialisée économiquement par le prêt de 9 millions d'euros accordés au Front National par la banque russe « First Czech Russian Bank », s'est prolongée lors du congrès par l'invitation de haut dignitaires de l’État russe. Ainsi Andreï Issaïev, ni plus ni moins que le vice-président de la Douma, le Parlement Russe, était invité lors de ce congrès pour parler des « fonctionnaires inconnus de l'Union européenne, pantins des États-Unis ».

Andreï Issaïev est un membre du Parti de Vladimir Poutine et selon lui :

« le FN prend de plus en plus d'ampleur en France. »

Réciproquement, Louis Aliot, renouvelé à son poste à la direction du FN, a expliqué :

« je pense sincèrement que les adhérents du Front ont beaucoup de sympathie pour la Russie et monsieur Poutine. »

Parallèlement à cela, Marine Le Pen a mis en avant lors de son discours de clôture une proposition économique stratégique pour l'impérialisme français. Misant sur le fait que la France est la « deuxième puissance maritime du monde », elle a parlé de « la conquête des océans », mettant en avant « l'or bleu » comme perspective de développement capitaliste.

Ce XVe congrès du Front National était donc une étape importante. L'objectif pour le Front National maintenant est simple : simplifier et renforcer la direction de l'appareil politique d'un côté tout en assurant de l'autre l'apparition et la formation de cadres dirigeants à même d'assurer la prise du pouvoir en France. Car même si le Front National n'est pas encore un parti de masse, il voit affluer vers lui de plus en plus de jeunes bourgeois voyant les « places à prendre » rapidement (à l'instar du sénateur-maire de Fréjus David Rachline qui a à peine 26 ans).

L'enjeu pour les progressistes de France est immense maintenant : leur responsabilité est d'organiser le front démocratique de masse, pour faire face, pour que les masses ne se retrouvent totalement piégées et soumises à la puissance de la mobilisation fasciste.