24 nov 2015

Féodalité, bourgeoisie compradore et capitalisme bureaucratique

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Comme on le sait, le matérialisme dialectique enseigne qu'il existe le schéma historique suivant : féodalisme => capitalisme => socialisme. A chaque fois, un mode de production en remplace un autre. Ce développement en étapes historiques est historiquement été présenté par Karl Marx et Friedrich Engels.

Toutefois, conformément à la loi matérialiste dialectique du développement inégal, ce processus de développement apparaît comme particulièrement tourmenté dans certains cas.

C'est quelque chose qu'il n'est pas forcément facile de comprendre dans notre pays. En France, on sait en effet bien ce que signifie le renversement du féodalisme par la bourgeoisie. Notre drapeau national, notre hymne national, notre devise datent de cet épisode historique.

Toutefois, ce renversement a mis bien plus du temps qu'on ne le pense généralement. La révolution commence en 1789, mais ne se termine réellement qu'en 1848, après des périodes de restauration. Il y a eu révolution, contre-révolution, restauration, contre-restauration, jusqu'à la victoire finale de la bourgeoisie.

Dans d'autres pays, la victoire fut grosso modo du même type, pour les Pays-Bas, l'Angleterre et les États-Unis d'Amérique par exemple, qui développèrent rapidement le capitalisme.

Mais dans d'autres pays, cela se déroula de manière bien plus tourmentée, comme pour l'Allemagne et l'Italie. On sait comment le national-socialisme et le fascisme furent, en partie, le produit de ce développement tortueux de la victoire de la bourgeoisie, qui était étroitement liée à l'aristocratie, dans une sorte de compromis.

Ce développement inégal n'existe cependant pas uniquement dans le cadre des pays ayant connu la révolution bourgeoise. Il existe également entre les pays ayant connu la révolution bourgeoise et ceux ne l'ayant pas connu, et entre ceux ne l'ayant pas connu eux-mêmes.

Cela est conforme aux lois de la dialectique. Dressons un panorama de ces deux derniers cas.

Triomphe de la démocratie dans un cas, pas dans l'autre

Lorsque la bourgeoisie parvient à réaliser la démocratie, elle peut se renforcer librement ; elle guide la société, elle la façonne selon ses besoins.

Mais la révolution menée par la bourgeoisie n'est pas le seul élément favorable. Dans le Manifeste du Parti Communiste, Karl Marx et Friedrich Engels notent ainsi :

« La découverte de l’Amérique, la circumnavigation de l’Afrique fournirent un sol nouveau à la bourgeoisie qui levait. Le marché des Indes orientales et de la Chine, la colonisation de l’Amérique, les échanges commerciaux avec les colonies, la multiplication des moyens d’échange et, en général, des marchandises donnèrent au commerce, à la navigation, à l’industrie, un essor jusqu’alors inconnu, et, du même coup, hâtèrent la croissance de l’élément révolutionnaire présent au cœur de la société féodale qui s’écroulait. »

Ainsi, la féodalité est portée par des couches aristocratiques, à quoi s'oppose la bourgeoisie, formée historiquement par les marchands, négociants, banquiers, etc. A un moment donné, la contradiction est si forte que celle-ci parvient à prendre le pouvoir, et elle profite de la colonisation des « nouveaux mondes » pour renforcer son élan.

Cependant, et on comprend aisément pourquoi, les bourgeoisies des différents pays s'opposent. La bourgeoisie française, ayant triomphé en France, n'a pas attendu que les autres bourgeoisies se développent. Dès qu'une bourgeoisie a atteint un certain stade de développement, elle diffuse son capital où elle le peut, autant qu'elle le peut.

Or, évidemment, cela va avoir des conséquences sur les pays où le rapport de forces féodalité – bourgeoisie n'a pas basculé du côté bourgeois. Voilà que les bourgeois d'un pays doivent s'opposer non seulement aux féodaux… mais également aux bourgeois d'autres pays.

Le capitalisme national face au capitalisme international

L'irruption de capital venant d'un autre pays est un grand danger pour une bourgeoisie. Si son élan est faible, elle ne peut pas faire face.

Lorsque Napoléon organise l'invasion des pays allemands, la bourgeoisie allemande était faible. Le pays était divisé en une multitude de petits régime monarchiques, sauf pour la Prusse, puissante et à l'aristocratie puissamment militarisé.

La conséquence en fut un compromis, plein de soumission, de la bourgeoisie allemande à l'aristocratie prussienne, afin d'unifier le pays et de le libérer des troupes napoléoniennes. Ce processus a durablement affaibli la bourgeoisie allemande.

Mais dans d'autres cas, la bourgeoisie était encore plus faible. Elles n'étaient pas en train d'affronter ouvertement la féodalité, voire même dans certains cas elles n'étaient pratiquement pas développées.

C'est donc une situation très dure, dont la bourgeoisie ne peut pas s'extirper. Mao Zedong constate donc au sujet de la bourgeoisie dans ce cas, qu'il appelle « bourgeoisie nationale » :

« Elle subit l'oppression de l'impérialisme et est entravée par le féodalisme ; aussi se trouve-t-elle en contradiction avec eux. »

En même temps, le mal est fait et la bourgeoisie nationale doit « faire avec ». Aussi, Mao Zedong constate en même temps :

« En raison de sa faiblesse économique et politique et du fait qu'elle n'a pas rompu complètement ses liens économiques avec l'impérialisme et le féodalisme, elle n'a pas le courage de les combattre jusqu'au bout. »

Cependant, il reste une chose à comprendre ici : pourquoi la bourgeoisie nationale n'a-t-elle pas pu se développer ?

La féodalité comme obstacle à la bourgeoisie

On sait que la bourgeoisie a dû mener une bataille longue et acharnée contre la féodalité. La bourgeoisie a, en Europe, développé l'humanisme, le calvinisme, puis les Lumières, affrontant le baroque.

Si donc les bourgeoisies d'autres pays sont des concurrentes, la féodalité est pour la bourgeoisie un obstacle. S'il n'y avait pas la féodalité, le pays pourrait se moderniser, sous la direction de la bourgeoisie nationale ; c'est parce qu'il ne le peut pas que la féodalité est l'ennemi principal, qui permet aux autres bourgeoisies de pratiquer leur influence, leur impérialisme.

Mao Zedong dit donc :

« La classe des propriétaires fonciers est la principale base de la domination impérialiste en Chine ; en utilisant le régime féodal pour exploiter et opprimer les paysans, elle fait obstacle au développement politique, économique et culturel de la société chinoise ; elle ne joue aucun rôle progressiste. »

Il y a toutefois ici une question qui se pose naturellement. Puisqu'il y a du capital qui vient d'autres pays, il faut bien des capitalistes locaux. Or, on a vu qu'il y a une contradiction entre la bourgeoisie nationale et la bourgeoisie d'autres pays. Qui s'occupe alors de ce capital ?

La bourgeoisie compradore

La bourgeoisie des autres pays utilise, en fait, des gens pour gérer son capital. Mao Zedong a expliqué que ces gens formaient une classe sociale, qu'il a appelé « bourgeoisie compradore ». Le terme de « comprador » désignait le gérant ou premier commis qui, tout en étant chinois, était au service d'une entreprise commerciale appartenant à des étrangers.

Mao Zedong donne la définition suivante :

« La grande bourgeoisie compradore est une classe directement au service des capitalistes des pays impérialistes et entretenue par eux ; elle a des attaches innombrables avec les forces féodales de la campagne. »

Il y a ici deux aspects, qu'il faut impérativement comprendre. D'un côté, la bourgeoisie compradore consiste en des hommes de main, des intermédiaires, des gens dont l'activité consiste en quelque sorte en de l'import-export.

Ils importent des marchandises des pays impérialistes, ils leur exportent des marchandises produit dans le pays. Mais le capital dont ils disposent est systématiquement lié ou soumis aux intérêts du capital des autres pays. Ils ne sont pas indépendants, ni autonomes.

La question qui se pose alors est : d'où viennent-ils ? C'est là justement qu'il faut bien porter son attention sur le second aspect, qui est qu'ils ont des « attaches innombrables » avec la féodalité.

La féodalité modifiée

Pour qu'il y ait une bourgeoisie compradore, il faut qu'il y ait une pénétration du capital non-national dans un pays où la bourgeoisie nationale est particulièrement faible. Mais quand le capital non national pénètre dans le pays, la bourgeoisie compradore ne peut pas encore exister, puisqu'elle est une conséquence de cette pénétration.

D'où vient-elle alors ? Il y a bien entendu des éléments de la bourgeoisie nationale qui peuvent se laisser acheter, mais en tant que classe, la bourgeoisie nationale ne saurait répondre favorablement. Aussi, la bourgeoisie compradore ne puise ici surtout que dans la partie supérieure de la bourgeoisie commerçante.

Néanmoins, c'est rarement suffisant et le capital non national va alors également s'appuyer sur la féodalité. Il y a ici une rencontre tout à fait naturelle.

Pourquoi cela ? Parce que si la bourgeoisie est démocratique dans son propre pays où elle a mené la révolution bourgeoise, avec la libre-concurrence et la compétition économique, elle ne l'est plus lorsqu'elle intervient dans un autre pays.

Elle s'impose ; elle agit par en haut. Elle n'investit pas dans des projets locaux, en partageant ; elle exige, colonise, décide par en haut.

Par conséquent, elle apprécie hautement le style des féodaux, qui décident par en haut. Ceux-ci se voient renforcés et apprécient donc cette alliance de fait.

L'utilisation des grands propriétaires terriens

Il y a cependant un souci évident dans le processus de transformation d'une partie des forces féodales en bourgeoisie compradore. En effet, même si elle est compradore, la bourgeoisie obéit à des principes capitalistes, ce qui n'est pas le cas des féodaux.

En Inde, par exemple, le régime était marqué par un important despotisme de l’État central, qui utilisait des intermédiaires, appelés zamindars, pour collecter les impôts sur des territoires précis. Lorsque l'impérialisme britannique a contrôlé l'Inde, il a transformé ces zamindars en grands propriétaires terriens ; ce sont les fameux « mahradjajhs » et autres « nababs », qui vivent dans l'opulence et le parasitisme le plus complet.

En Amérique latine, l'Espagne avait imposé son modèle féodal, avec des haciendas, grandes propriétés terriennes, et José Mariategui note à ce sujet leur style de vie totalement décadent :

« Le caractère de la propriété agraire au Pérou se présente comme un des plus grands obstacles au développement du capitalisme national. Le pourcentage des terres exploitées par de grands ou de moyens fermiers, et qui appartiennent à des propriétaires qui n'ont jamais dirigé leurs fermes, est très élevé.

Les gros propriétaires, complètement étrangers et se désintéressant de l'agriculture et de ses problèmes, vivent de leurs rentes foncières sans fournir aucun apport de travail ni de réflexion quant à l'activité économique du pays. Ils font partie de la catégorie de l'aristocratie ou du rentier consommateur improductif. Par leurs droits de propriété héréditaire ils perçoivent un fermage qu'on peut considérer comme l'équivalent d'un droit féodal. »

Il y a donc une contradiction au sein des grands propriétaires terriens. L'impérialisme les utilise, car il en a besoin : pour maintenir l'économie agricole à un certain niveau, mais aussi pour empêcher l'accumulation capitaliste aidant la bourgeoisie nationale. Renforcer les féodaux d'un pays c'est saper la bourgeoisie de ce pays.

Intégrer des éléments dans la bourgeoisie compradore est donc logique, c'est la rencontre d'intérêts communs, toujours portés « par en haut » dans leur approche pratique, mais il y a une différence de fond. Les grands propriétaires terriens uniquement parasites ne sont pas capitalistes, ils ne modernisent pas leur production, et ils seront amenés à être remplacés.

Des grands féodaux deviennent des capitalistes compradores

Lénine a très précisément expliqué les deux formes de développement de l'agriculture : par en bas, comme aux États-Unis d'Amérique,et par en haut, comme en Prusse, avec les junkers, qui sont de grands propriétaires terriens impulsant un capitalisme par en haut, de manière ultra-autoritaire (voir l'annexe de ce document).

De grands propriétaires terriens vont suivre ce second modèle dans en fait la quasi totalité des pays du monde. Agissant initialement en monopolistes dans les campagnes, ils vont agir en monopolistes dans l'industrie, en étant au service de bourgeoisies d'autres pays, en tant que bourgeoisie compradore. C'est le principe des grandes familles, qui sont utilisées dans le « jeu » impérialiste mondial.

La bourgeoisie compradore apparaît alors comme union de la partie supérieure de la bourgeoisie commerçante, de grands propriétaires terriens, de secteurs bancaires s'il y en a.

En Turquie, Ibrahim Kaypakkaya constate ainsi :

« La révolution kémaliste est une révolution de la couche supérieure de la bourgeoisie commerçante, des propriétaires terriens, des usuriers turcs et un nombre plus faible de la bourgeoisie industrielle existante.

C’est-à-dire que les chefs de la révolution sont les classes de la grande bourgeoisie compradore turque et les propriétaires terriens. La bourgeoisie moyenne avec un caractère national n’a pas participé à la révolution en tant que force guide. »

La bourgeoisie compradore est par nature monopoliste

On voit donc que la bourgeoisie compradore impulse un capitalisme par en haut, et ce n'est donc pas vrai capitalisme, car le capitalisme est d'abord libéral, seulement ensuite monopoliste. Dans notre cas, il est directement monopoliste.

Il n'a donc pas anéanti les superstructures féodales, les traditions féodales, les mœurs féodales. Il les reprend directement à son compte.

Afin de le distinguer du capitalisme monopoliste des pays où la bourgeoisie a renversé la féodalité, le matérialisme dialectique l'appelle capitalisme bureaucratique. C'est en effet un capitalisme qui n'a pas évolué de manière naturelle, mais toujours par en haut, de manière bureaucratique.

Gonzalo donne ainsi la définition suivante :

« Le capitalisme bureaucratique se développe, lié aux grands capitaux monopolistes qui contrôlent l’économie du pays, des capitaux formés, comme le Président Mao le dit, par les grands capitaux des gros propriétaires fonciers, de la bourgeoisie compradore et des grands banquiers. Ainsi va naissant le capitalisme bureaucratique et, j’insiste encore une fois, lié à la féodalité, soumis à l’impérialisme, et monopoliste.

Il faut prendre cela en compte : il est monopoliste. »

« Le capitalisme bureaucratique c'est le capitalisme que l'impérialisme développe dans les pays arriérés et qui comprend les capitaux des grands propriétaires terriens, des grands banquiers et des magnats de la grande bourgeoisie. »

La bourgeoisie compradore, le capitalisme bureaucratique et l’État

Bien entendu, puisque ce capitalisme bureaucratique domine, alors cela veut dire qu'il a pris les commandes de l’État. On distingue même la bourgeoisie compradore simple de la bourgeoisie bureaucratique par cette différence essentielle.

Gonzalo constate ainsi :

« Il passe par un processus qui fait que le capitalisme bureaucratique se combine avec le pouvoir de l'Etat et devient capitalisme monopoliste étatique, compradore et féodal; il en découle qu'en un premier moment il se développe comme grand capital monopoliste non étatique, et en un deuxième moment - quand il se combine avec le pouvoir de l'Etat - il se développe comme capitalisme étatique. »

Il y a donc la bourgeoisie compradore qui devient monopoliste, mais de manière dialectique, elle a une tendance à fusionner avec l’État.

Ainsi, chaque bourgeoisie devenue impérialiste a tendance à soutenir sa propre fraction et à disposer de sa propre bourgeoisie compradore. Cela signifie que même lorsqu'une bourgeoisie compradore prend les commandes de l’État, elle fait face à une ou plusieurs bourgeoises compradores concurrentes.

A cela s'ajoute que, de manière naturelle de par sa tendance monopoliste liée à sa nature même, à la base féodale qui se perpétue même en se modernisant, la bourgeoisie compradore ayant développé le capitalisme bureaucratique le plus puissant dans un pays tente d'éliminer ses concurrents et de s'imposer comme capitalisme bureaucratique absolu.

Gonzalo explique ainsi :

« Ce capitalisme, arrivé à un certain moment de son évolution, s’associe avec le Pouvoir de l’État et utilise les moyens économiques de l’État ; il les utilise comme levier économique.

Ce processus va engendrer l’autre faction de la grande bourgeoisie : la bourgeoisie bureaucratique.

C’est de cette façon que va se développer le capitalisme bureaucratique, déjà un capitalisme monopoliste, qui devient alors un capitalisme d’État. Mais ce processus l’entraîne à créer les conditions qui font mûrir la révolution. »

La bourgeoisie compradore et le capitalisme bureaucratique

Il y a donc la nécessité de voir qu'il y a trois sortes de bourgeoisie : la bourgeoisie nationale, la bourgeoisie compradore (elle-même divisée en fractions liées à tel ou tel pays impérialiste), la bourgeoisie bureaucratique qui est la bourgeoisie compradore ayant triomphé et fusionné avec l’État.

Les multiples coups d’État, si typiques de ce type de pays, correspondent au renversement d'une bourgeoisie compradore par une autre pour devenir une bourgeoisie bureaucratique, c'est-à-dire fusionnant avec l’État.

Lorsqu'on dit d'un pays africain que la famille du président ne distingue pas ses propres fonds de ceux de l’État, c'est qu'on a une bourgeoisie bureaucratique parfaitement développée. Il va de soi que ce capitalisme monopoliste d’État de type bureaucratique est, de par sa nature terriblement exploiteuse et oppressive, l'anti-chambre de la révolution démocratique.

Cependant, il faut bien avoir une juste compréhension du capitalisme bureaucratique en général, sans quoi on soutient une bourgeoisie compradore contre une bourgeoisie bureaucratique, et non la révolution démocratique.

Le social-impérialisme soviétique maquillait ainsi les bourgeoises compradores à son service en les présentant comme des bourgeoisies nationales, des fractions « progressistes » de l'armée, etc. Le principe de bourgeoisie compradore était nié, ainsi que le concept de pays semi-colonial semi-féodal. Le révisionnisme diffusé par le social-impérialisme soviétique expliquait qu'à part l'impérialisme, il y avait un « pays dépendant », que tous les pays du monde étaient capitalistes au sens strict, etc.

L'étape maoïste du matérialisme dialectique permet à l'opposé de comprendre la nature du capitalisme bureaucratique et de la bourgeoisie compradore. Le Parti Communiste du Pérou, guidé par Gonzalo, explique à juste titre que :

« La vision que le Président Gonzalo a du capitalisme bureaucratique est aussi très importante; il le voit conformé par le capitalisme monopoliste non étatique et par le capitalisme monopoliste étatique, en s'appuyant sur la différenciation qu'il a établi entre les deux factions de la grande bourgeoisie: la bureaucratique et la compradore, afin de ne se mettre à la remorque d'aucune des deux, problème qui mena notre Parti à une tactique erronée durant 30 années.

Il est important d'avoir cette conception car c'est de la confiscation du capitalisme bureaucratique par le Pouvoir Nouveau que découlera le triomphe de la révolution démocratique et l'avance vers la révolution socialiste.

Si l'on ne visait que le capitalisme monopoliste de l'Etat on laisserait la voie libre à l'autre partie, le capitalisme monopoliste non étatique; ainsi, la grande bourgeoisie compradore se maintiendrait économiquement et pourrait reprendre le dessus pour s'emparer de la direction de la révolution et frustrer son passage à la révolution socialiste. »

Les grands propriétaires terriens et le capitalisme bureaucratique

Nous avons vu qu'aux yeux du capitalisme bureaucratique, et ce même s'il est issu en partie de fractions des grands propriétaires terriens, il faut moderniser l'ensemble de l'agriculture. Cela ne veut nullement dire qu'il entend en abandonner le caractère monopoliste, c'est simplement afin de le moderniser.

Bien entendu, cela signifie une contradiction possiblement violente entre les grands propriétaires terriens et le capitalisme bureaucratique. Dans des pays où la féodalité était particulièrement organisée, cette contradiction a pu être violente.

Il faut bien saisir ici que, dans tous les cas, en absence de révolution démocratique, la féodalité est à la base même de la société, même si elle a pu être modernisée. Le capitalisme bureaucratique peut s'effondrer, les bourgeoisies compradores être brisées, mais la féodalité reste la base.

Il est relativement rare qu'un capitalisme bureaucratique s'effondre de lui-même, mais c'est tout à fait possible, comme le montrent les exemples iranien et irakien, avec à chaque fois les forces féodales érigeant une bourgeoisie compradore (de par les rapports économiques internationaux) et un capitalisme bureaucratique, masquant ce projet derrière le principe du Velayat-e faqih (gouvernement du docte) en Iran et le « califat » en Irak. La brutalité particulière de cette mise en place d'un capitalisme bureaucratique tient au caractère particulièrement réactionnaire de la féodalité qui instaure et généralise sa dimension monopoliste.

Le capitalisme bureaucratique, la bourgeoisie compradore, les grands propriétaires terriens

Il y a donc trois obstacles dans les pays non impérialistes : le capitalisme bureaucratique qui est la tendance naturellement monopoliste étatique de la bourgeoisie compradore dominante, la bourgeoisie compradore en tant que capitalistes servant d'interface avec les exportations et importations impérialistes, les grands propriétaires terriens aux méthodes traditionnelles ou au contraire ultra-modernisées.

Il faut bien faire attention à ne pas soutenir une bourgeoisie compradore – qui masque sa nature bien entendu – car celle-ci ne ferait que relancer le processus aboutissant au capitalisme bureaucratique.

La bourgeoisie nationale ne peut pas être non plus directement soutenue, dans la mesure où elle est trop faible ; d'éventuels succès ne feraient qu'aboutir à sa scission et à l'émergence à partir d'elle d'une nouvelle bourgeoisie compradore.

La révolution démocratique ne peut donc qu'être portée idéologiquement par la classe ouvrière, et matériellement par les masses paysannes, en conflit direct avec les forces féodales, dont le renversement est considéré comme positivement par la bourgeoisie nationale. Dans ce processus, l'affrontement avec l'impérialisme est inévitable, jusqu'au triomphe de la révolution démocratique dans tout le pays, détruisant le capitalisme bureaucratique.