14 aoû 2013

La méthode de Descartes - 13e partie : un rationalisme sans matérialisme

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Pour conclure, voyons comment Descartes justifie le fait de se tourner vers la réalité, et non vers Dieu. Là aussi, Descartes est très subtil. La phrase suivante, où il justifie le produit de son imagination, relève de la moquerie pure et simple.

Descartes dit que ce qu'il pense est justifié, car il a une raison de le penser, et cela justifierait à ce que cette chose puisse être pensée et devenir réel...

Voici ce qu'il dit, de manière à peu près incompréhensible, et pour cause :

« mais on doit savoir que toute idée étant un ouvrage de l'esprit, sa nature est telle qu'elle ne demande de soi aucune autre réalité formelle que celle qu'elle reçoit et emprunte de la pensée ou de l'esprit, dont elle est seulement un mode, c'est-à-dire une manière ou façon de penser. 

Or, afin qu'une idée contienne une telle réalité objective plutôt qu'une autre, elle doit sans doute avoir cela de quelque cause dans laquelle il se rencontre pour le moins autant de réalité formelle que cette idée contient de réalité objective; car si nous supposons qu'il se trouve quelque chose dans une idée qui ne se rencontre pas dans sa cause, il faut donc qu'elle tienne cela du néant. »

En réalité, Descartes entend justifier les projets bourgeois d'action sur le monde. Or, ceux-ci sont le fruit d'une accumulation du capital, ces projets sont des entreprises. Qu'est-ce qui peut justifier de les entreprendre ? Tout simplement, apparemment, leur nature même !

On a ici une caricature de matérialisme, où tout justifie tout. Voici une autre explication tout à fait similaire, caricature pure et simple du fabuleux propos hégélien : « Tout ce qui est réel est rationnel, tout ce qui est rationnel est réel. »

Chez Descartes, ce qui est rationnel est rationnel et donc pourra devenir réel... On a totalement décroche de la matière, on a un rationalisme sans matérialisme. Voici donc comment Descartes explique cela :

« Maintenant c'est une chose manifeste par la lumière naturelle, qu'il doit y avoir pour le moins autant de réalité dans la cause efficiente et totale que dans son effet: car d'où est-ce que l'effet peut tirer sa réalité, sinon de sa cause; et comment cette cause la lui pourroit-elle communiquer, si elle ne l'avoit en elle-même?

Et de là il suit non seulement que le néant ne saurait produire aucune chose, mais aussi que ce qui est plus parfait, c'est-à-dire qui contient en soi plus de réalité, ne peut être une suite et une dépendance du moins parfait. »

Au nom de Dieu dont tout découle, ce qui se conçoit se voit attribuer une « réalité » en tant que « cause » - et peu importe la réalité. Voilà ce dont avait besoin la bourgeoisie.