12 déc 2015

Régionales de 2015 : la mentalité régressive de soutenir ou de nier le Front National

Submitted by Anonyme (non vérifié)

On connaît la rencontre entre Œdipe et le sphinx, ce dernier posant la fameuse question :

« Quel être, pourvu d’une seule voix, a d’abord quatre jambes le matin, puis deux jambes le midi, et trois jambes le soir ? »

A quoi s'ensuit :

« Œdipe trouva la solution : il s’agissait de l’homme. De fait, lorsqu’il est enfant, il a quatre jambes, car il se déplace à quatre pattes ; adulte, il marche sur deux jambes ; quand il est vieux, il a trois jambes, lorsqu’il s’appuie sur son bâton. »

Le corps d'un être humain est fragile dans sa jeunesse, solide à sa maturité, avant de connaître par la suite une décadence. Il existe une différence de qualité : même s'il s'agit de la même personne, il y a des différences que l'on voit bien.

La pédophilie est un crime qui, justement, nie la différence qu'il y a entre la jeunesse et la maturité ; elle gomme une différence qualitative, niant la complexité de l'évolution de la vie. L'incompréhension de la réalité matérielle par la pédophilie saute aux yeux, son formalisme est évident.

On retrouve ici la question du fétichisme, phénomène naissant de l'incompréhension de l'affrontement entre l'ancien et le nouveau, du refus de constater qu'il y a évolution, du formalisme qui nie la complexité du réel, sa transformation.

La pédophilie apparaît ici comme une expression criminelle odieuse d'une tendance de fond qu'on retrouve dans la société bourgeoisie : l'incapacité à se confronter de manière sérieuse à la matière, l'incompréhension de la dialectique, la préférence pour des solutions régressives.

Si le Front National se développe, c'est au cœur même d'un style de vie, d'une approche de la vie quotidienne façonnée par le capitalisme et qui, avec la décadence de la bourgeoisie, bascule dans le relativisme et le nihilisme.

Que fait-on dans la vie quotidienne, en France, pour pouvoir s'insérer socialement ?

On contourne, on louvoie, on simule, on nie, on masque, on ment (y compris à soi-même), on feint d'oublier, on s'invente des raisons, on imite ce qui est conforme, on plagie, on tergiverse, on contrefait, on prétend le bonheur.

Que fait-on dans la vie quotidienne, en France, face à ce qui semble nouveau, donc faible et dangereux en même temps, au départ ?

On ne veut pas savoir, on se cache derrière les certitudes du conformisme bourgeois : la vie doit être encadrée, bornée, limitée, contrôlée, répétitive, domptée, maîtrisée, réprimée, retenue.

On ne fait pas confiance au nouveau, on préfère se tourner vers l'ancien, qui a « fait ses preuves », qui rassure, qui assure un confort intellectuel.

Si l'on faisait un référendum et qu'on pouvait revenir à la France des années 1980, voire des années 1960, le succès serait complet, tellement les mentalités sont régressives.

Vivre dans une société figée, glacée, voilà l'idéal qui prédomine très largement. On rêve de la stabilité nécessaire pour pouvoir investir, acheter idéalement son pavillon avec son bout de terrain, sa voiture. Vivre de manière prétendument indépendante, avec son capital, vivre comme un capitaliste, accumulant jusque dans sa vie privée : les amis, les relations, les histoires ; le vécu lui-même est conçu comme une entreprise.

Dans tous les cas, alors que tout s'échappe, il y a la nostalgie, que personne ne peut voler ou arracher - à part évidemment les révolutionnaires, qui veulent le nouveau. Aussi faut-il incessamment célébrer l'ancien, ses valeurs sûres, qui traverseraient le temps, qui seraient éternelles, voire franchement idéales. Se figer dans le vécu passé, voilà devenu l'idéal de toute une époque. C'est l'éloge de la stérilité à tous les niveaux.

Le choix du Front National par un vaste secteur des masses en France, aux élections régionales de décembre 2015, reflète parfaitement cette faiblesse, cette fuite romantique dans un passé idéalisé, ce refus d'assumer le réel.

C'est une régression générale, non pas simplement individuelle, mais absolument sociale. Aux bourgeois, le relativisme, aux prolétaires, la nostalgie, aux marginaux le nihilisme : voilà la découpage idéologique offert par un mode de production à l'agonie.

Cependant, il faut voir que ne pas aller voter contre le Front National est tout autant idéaliste, représente tout autant une volonté de nier les contradictions. Il n'y aucune raison qu'une partie de la société échappe à la contamination idéologique du pourrissement de la société bourgeoise.

Un obstacle - le seul possible - serait le matérialisme dialectique, mais nous sommes encore trop faibles, une goutte d'eau dans l'océan des masses. Par conséquent, c'est la fuite généralisée, partout. On tente de s'échapper, par le repli individuel, par la négation du réel, par la religion, par l'idéalisation d'un territoire imaginaire, situé ailleurs, dans un autre pays, ou ailleurs dans le temps, dans le passé.

Lorsqu'on nie que le Front National représente un élément d'une démarche terriblement dangereuse, on pratique donc la nostalgie, on regrette par exemple les années 1990 et leur apparente stabilité. Il est évident que l'extrême-gauche regrette l'époque où la CNT semblait potentiellement pouvoir devenir un grand syndicat, où Arlette Laguiller était présente dans tous les médias, où la LCR était une organisation extrêmement solide pratiquant un entrisme forcené dans les associations et les luttes, où Suprême NTM pouvait encore choquer.

Soutenir le Front National est régressif, mais le nier est également régressif ; c'est aussi une fuite par rapport à la complexité de la réalité, à l'évolution de la société française.

La société française pourrit littéralement sur pied, et accepter passivement cette évolution est réactionnaire. Voilà pourquoi l'esprit Charlie avait quelque chose de vivifiant, de respectueux, de culturel. C'est bien insuffisant, mais c'est déjà une base de discussion, une expérience profitable. Au moins, il n'y avait pas cette négation de la réalité présente.

Aller voter contre le Front National, là où il peut gagner, est ainsi une résolution : celle de ne pas accepter l'effondrement intellectuel, moral, culturel qui triomphe et s'exprime par tous les pores de la société, avec les Dieudonné, les Sarkozy, les émissions de téléréalité, les Mélenchon, les chasseurs, les Hollande, les amateurs du terroir.

C'est montrer qu'on est capable de réagir, de contredire la glaciation de la société, c'est s'appuyer sur ce qui est nouveau - la défense de la Biosphère, le dépassement de la contradiction villes-campagnes, le dépassement de la contradiction travail manuel - travail salarié, la conquête spatiale - pour se construire une nouvelle personnalité, établie sur la culture et la nature, la morale et la production, dans un grand élan qui est, justement, révolutionnaire.

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