25 fév 1930

La situation en Italie, l'état du Parti Communiste italien et ses tâches immédiates

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Présidium Elargi du Comité Executif de l'Internationale Communiste
25 Février 1930

     1. L’économie nationale d’Italie plongée depuis plusieurs années dans un état de grande dépression chronique, est en proie de plus en plus à une crise générale profonde, aggravée tant par suite des particularités du capitalisme italien et de la politique économique du fascisme, que par suite de l’extension de la crise économique mondiale et de la répercussion de la crise économique aux États-Unis, etc.

La nouvelle aggravation de la crise officiellement caractérisée comme une « situation délicate » va bousculer, dans son dévelopement ultérieur, tous les « plans » de la politique économique fasciste.

Déjà, dès les premiers symptômes de l’aggravation de la crise, le gouvernement fasciste a dû renoncer à ses « plans » de travaux publics et d’amélioration des terres, et interrompre ses travaux. Outre sa politique générale répondant exclusivement aux intérêts du grand capital le gouvernement fasciste engage les finances de l’État et l’épargne pour constituer des fonds spéciaux destinés aux grosses entreprises industrielles bancaires et commerciales, en vue de les aider à sortir indemnes de la crise.

Par contre, les paysans, la petite bourgeoisie industrielle et commerçante couches auxquelles le fascisme avait fait tant de promesses — sont condamnées à se « serrer la ceinture ». Pour pouvoir mener cette politique le gouvernement fasciste surcharge d’impôts encore plus écrasants les larges masses travailleuses urbaines et rurales. Les capitalistes aidés par le pouvoir d’État s’efforcent d’intensifier l’exploitation des ouvriers, de diminuer les salaires et de jeter à la rue un grand nombre d’ouvriers, d’où accroissement rapide du chômage.

Ainsi le régime fasciste en Italie fait retomber tout le poids de la crise économique qui s’aggrave sur les épaules des larges masses ouvrières et des masses travailleuses en général.

     2. Avec l’aggravation de la crise économique en Italie, s’accroît le mécontentement des larges masses ouvrières et paysannes contre le régime fasciste.

Même les quelques couches de ces masses travailleuses si longtemps trompées, commencent visiblement à se détacher de l’influence fasciste et même, par endroits, à entrer en lutte directe avec le régime. La nombreuse série d’épisodes récents de lutte ouverte de la classe ouvrière contre les patrons, contre les gros propriétaires fonciers, contre les organes de l’État, contre le fascisme, malgré le redoublement de la terreur fasciste dénotent incontestablement le début d’une poussée des masses ouvrières et travailleuses, d’un réveil de l’activité de combat de ces masses. Les preuves en sont :

    a) Les mouvements des ouvriers dans certaines usines et fabriques importantes de Milan, Turin, Alexandrie, Udine et autres villes dans la journée du Premier Août 1929, malgré la proclamation de l’état de siège. En outre, la conduite des 500 ouvriers arrêtés à Turin, qui organisèrent en prison une manifestation au chant de l’Internationale témoigne de la combativité croissante de la classe ouvrière ;

    b) Les manifestations de masse des ouvriers et des paysans à Goritza-Tolmino lesquels, à l’occasion du Premier Août, allumèrent 40 feux et dispersèrent par la force les gendarmes venus pour éteindre les incendies qui s’étaient déclarés ;

    c) Le refus des miliciens fascistes de mettre à exécution le 18 novembre 1929 le verdict de mort prononcé par le tribunal extraordinaire contre le paysan croate Gortan, la collision qui s’ensuivit avec les fascistes et la manifestation spontanée de protestation des paysans d’Istrie contre l’exécution de Gortan ;

    d) Les troubles paysans antifascistes au commencement de novembre 1929 à Sulmone, en Apulie, dans les Abbruzzes et en Calabre (refus de payer les impôts, incendies des maisons des fonctionnaires fascistes, voies de fait contre les fascistes et leur expulsion des villages) ;

    e) Les actions armées encore plus imposantes des ouvriers industriels et agricoles et des paysans travailleurs à Faenza et autres localités de la Romagne vers la fin de novembre de l’année dernière, où les importantes expéditions punitives militaires et policières, envoyées du centre, ont perdu environ une centaine de tués et de blessés.

Pendant ce temps, de forts détachements « sûrs » de la milice fasciste et de carabiniers ont été concentrés dans les centres industriels de Turin et de Milan, où toutes les grandes usines étaient fortement gardées par les troupes et la police ;

    f) La lutte de décembre des ouvriers des métaux de Milan dans les grandes usines métallurgiques contre la rationalisation fasciste, lutte qui obligea les patrons à réclamer l’envoi de troupes en raison de la possibilité de troubles ouvriers, lutte qui obligea même les « syndicats fascistes » dans des buts démagogiques, à réclamer la réintégration des ouvriers congédiés ;

    g) La désertion, toujours plus fréquente de miliciens fascistes et la participation de certains d’entre eux à la récente manifestation des ouvriers industriels et des ouvriers agricoles chômeurs à Milan, etc.

Tous ces faits indiquent que la lutte des ouvriers et des paysans rompt déjà le front fasciste dans certains endroits.

Ainsi, l’aggravation de la crise économique, tout en accentuant les antagonismes sociaux et fondamentaux et la lutte de classes, accélère la maturation des conditions objectives pour que le mouvement causé par le mécontentement des grandes masses ouvrières ainsi que les combats antifascistes plus ou moins disséminés, se développent en grandes grèves économiques, en imposantes manifestations de rue, en puissantes grèves politiques de masses, en actions politiques se succédant l’une à l’autre ou se combinent avec la lutte antifasciste et les mouvements antifascistes des ouvriers agricoles et des paysans pauvres, avec la lutte des minorités nationales opprimées.

Le fait important et caractéristique de la période politique actuelle est précisément ce réveil de l’activité révolutionnaire des ouvriers et des paysans pauvres.

    3. Toutes ces luttes depuis les plus modestes jusqu’aux puissantes actions politiques révolutionnaires des larges masses ouvrières et paysannes, posent dans leur développement irrésistible la question du renversement du régime fasciste.

Le fascisme, parce que devenu l’expression politique conséquente et la forme d’exercice de la dictature violente ouverte de la grande bourgeoisie impérialiste italienne sur le prolétariat et sur les autres couches travailleuses ne pourra être renversé que par l’action révolutionnaire du prolétariat qui, sous la direction du parti communiste, conduit l’action et les luttes révolutionnaires antifascistes des larges masses travailleuses urbaines et rurales.

Par conséquent, dans la prochaine situation révolutionnaire, la lutte pour le renversement du fascisme ne pourra être que la lutte pour la destruction de la domination capitaliste, que la lutte pour l’instauration du pouvoir des Soviets des ouvriers, des soldats, marins et paysans, du gouvernement ouvrier et paysan, comme forme politique de l’exercice de la dictature du prolétariat.

    4. Le caractère socialiste-prolétarien de la révolution posée à l’ordre du jour en Italie ressort clairement des considérations suivantes : a) le haut degré du développement du capitalisme impérialiste italien dominant en fait toute l’économie nationale ; b) la fusion des intérêts matériels et politiques des capitalistes, des gros agrariens, de la monarchie et de l’Église réalisée sous l’égide du fascisme exerçant la dictature du capital financier, d’une part, le haut degré de différenciation des classes et de l’acuité des antagonismes de classes, d’autre part. Est également important le fait que le prolétariat industriel et agricole (plus de 4 millions d’ouvriers agricoles — avec traditions de lutte révolutionnaire) constitue non seulement le pilier fondamental de l’économie du pays, mais comprend aussi avec ses alliés directs — paysans pauvres, métayers, etc. — l’immense majorité de la population ; c) la crise économique, sociale et politique révolutionnaire des premières années d’après-guerre (1918-1922) avait déjà posé concrètement le dilemme : ou dictature prolétarienne comme question d’action immédiate, ou dictature violente ouverte, brutale du grand capital.

La dure expérience que le prolétariat et les masses travailleuses ont accumulée depuis lors sous la dictature fasciste leur a appris encore davantage la nécessité de combattre pour la dictature prolétarienne comme l’unique voie pour en finir avec le fascisme.

   5. Lors de l'avènement au pouvoir du fascisme, certaines couches de la petite bourgeoisie n'ont joué un rôle politique important que comme instrument dans les mains de la grande bourgeoisie contre le prolétariat. Cependant, désillusionnées et mécontentes du régime fasciste, ces couches, en particulier les petits paysans, s’apprêtent à lutter activement contre le fascisme. Mais leur lutte ne saurait avoir d’efficacité politique réelle que dans la mesure où elle entrera dans la voie d’une lutte révolutionnaire conséquente contre le fascisme et où elle se déroulera sous l’hégémonie du prolétariat.

   6. Tous ceux qui croient et font croire que le renversement du fascisme pourrait être le fait de manœuvres légales de la bourgeoisie elle-même, ou le fait de l’action des masses petites-bourgeoises, ou le fait de l’« évolution démocratique du fascisme », tous ceux qui croient que le fascisme sera renversé « légalement », pacifiquement, qui croient que ce « renversement » ouvrira une phase nouvelle de régime « démocratique-parlementaire-bourgeois », — tous ceux-là jouent le rôle d’agents bourgeois qui cherchent à dérouter les masses et à paralyser la maturation et la conduite victorieuse des actions révolutionnaires des masses contre le fascisme.

   7. Les épaves d’émigrés des anciens groupements petits-bourgeois professant un pseudo-antifascisme verbal (Parti socialiste-réformiste de Turatti, Parti maximaliste, Parti républicain, groupe de Buozzi, Ligue des droits de l’Homme, ainsi que le groupe des popolari de Sturzo, le groupe de Ritti, etc.) vont sûrement tenter, soit de leur propre initiative, soit sur l’invitation de l’ordre capitaliste, lors d’une situation révolutionnaire aiguë, de faire dévier le mouvement et les actions politiques des masses de leur principal objectif : le renversement du fascisme et l’instauration de la dictature prolétarienne.

Des tentatives semblables seront inévitablement faites, et, si le P.C.I. ne les déjoue pas à temps en conquérant la direction du mouvement révolutionnaire, elles auront pour conséquence d’entraver provisoirement les luttes révolutionnaires.

   8. Il est donc du devoir primordial du P.C.I., le seul et unique parti qui, en Italie, lutte effectivement et conséquemment contre le fascisme, de poursuivre inlassablement son but essentiel : empêcher que les masses qui vont entrer de plus en plus en lutte contre le fascisme, retombent de nouveau, lors de la prochaine crise révolutionnaire, sous l’influence néfaste des social-démocrates et d’autres groupements petits-bourgeois.

Le parti communiste ne saurait atteindre ce but qu’en menant systématiquement la lutte contre les social-fascistes, en démasquant d’une façon conséquente les opportunistes dans ses propres rangs et en se plaçant à la tête de chaque lutte de masse, de chaque mouvement des ouvriers et paysans contre le patronat, les grands propriétaires fonciers, et le fascisme. Seulement par cette voie le prolétariat dirigé par le Parti communiste conquerra l’hégémonie dans les luttes révolutionnaires contre le fascisme, contre le capitalisme et assurera la victoire de la dictature du prolétariat.

Tous ceux qui, dans les rangs du Parti, croient sincèrement à l’avènement d’une période de « démocratie bourgeoise » comme étape dans le déroulement du mouvement révolutionnaire antifasciste se montrent non seulement ignorants du degré de développement et des particularités du capitalisme impérialiste italien, de l’unité organique indissoluble entre le fascisme et le capitalisme, du véritable caractère des luttes politiques en Italie depuis le début de la guerre impérialiste mondiale ; non seulement ils se montrent pessimistes quant à l’application de la capacité de combat du prolétariat italien en même temps que très optimistes pour les capacités de combat révolutionnaire de la petite bourgeoisie et même de quelques couches de la grande bourgeoisie, mais encore tous ceux-là font preuve d’une idéologie défaitiste opportuniste qui, si elle n’est pas combattue implacablement, rend impossible la préparation politique et d’organisation effective des forces du prolétariat en vue de la lutte contre le fascisme.

Les perspectives de développement de la lutte révolutionnaire en Italie dépendent donc étroitement des résultats que le Parti obtiendra dans son travail politique et d’organisation parmi les couches décisives de la classe ouvrière en se plaçant dès le début à leur tête comme la seule force antifasciste active dans tout le cours du mouvement révolutionnaire.

   9. La tâche fondamentale du P.C.I. consiste à faire tous ses efforts peur conquérir la majorité de la classe ouvrière urbaine et rurale de la paysannerie pauvre pour se mettre immédiatement à la tête des masses qui entrent déjà en lutte et qui y seront poussées dans une mesure toujours plus grande par suite de l’aggravation de la situation.

L’activité du Parti au sein de la classe ouvrière dans les usines, parmi les ouvriers agricoles, les semi-prolétaires et les paysans pauvres du Midi et des iles, les fermiers, métayers et paysans moyens, les artisans, les minorités nationales, les populations des colonies, ainsi que parmi les couches de la petite-bourgeoisie urbaine ruinées par la politique fasciste doit être telle que le Parti démontre à toute la population travailleuse qu’il est la seule force antifasciste active, la seule force organisée qui mènera victorieusement la lutte contre le fascisme.

Dans ce but, et pour se lier étroitement avec les masses pour stimuler, élargir, pousser en avant le mouvement et pour se mettre à sa tête, le Parti, en liant étroitement son action à celle des syndicats rouges devra mener l’agitation la plus large pour toutes les revendications partielles, quotidiennes, des ouvriers et des paysans pauvres. Cette agitation devra être menée avec des mots d’ordre simples et précis, concrets et adaptés à la situation réelle des couches ouvrières et paysannes, accessibles à leur compréhension.

Le Parti devra parvenir à lier étroitement, plus qu’il ne l’a fait jusqu’à présent, l’agitation pour les mots d’ordre partiels avec son agitation et sa propagande pour les buts finaux de la révolution prolétarienne.

Tout ce travail de propagande, d’éclaircissement et d’agitation du Parti, doit être accompagné par un travail opiniâtre d’organisation des luttes et de l’activité révolutionnaire des masses (manifestations, grèves économiques partielles, manifestations de la paysannerie contre les municipalités fascistes, coordination des grèves et des manifestations, etc.).

En tant que problème tactique décisif de la période actuelle, le P.C. doit poser le problème de la transformation des grèves économiques partielles en grèves politiques de mgsse conduisant le prolétariat aux combats décisifs pour le pouvoir. En posant pratiquement ce problème, le P.C. doit travailler à développer chaque lutte ouvrière en un vaste mouvement de masse et, lorsque la situation concrète correspondante existe, à lier les grèves aux manifestations de rue, à la fraternisation avec les soldats, à l’action révolutionnaire de masse, à la lutte révolutionnaire des ouvriers agricoles et des paysans pauvres.

Dans les villages, il faut créer des comités paysans afin de coordonner les mouvements épars qui se produisent actuellement et de les transformer en une lutte des masses travailleuses rurales contre les propriétaires fonciers, contre l’Église, contre les autorités fascistes.

En outre, en vue de l'accomplissement de ces tâches, il est absolument nécessaire que le P.C.I. déploie, dès maintenant, l’activité la plus intense pour créer dans les entreprises et dans les villages des organisations de masse d’autodéfense ouvrière et paysanne, en posant devant ces organisations la tâche de protéger et de défendre les grèves et manifestations, ainsi que de préparer les combats ultérieurs pour le renversement du régime fasciste.

Dans les campagnes, l’activité du Parti devra se développer très largement en s’appuyant essentiellement sur les ouvriers agricoles dont les mouvements joueront un très grand rôle, et en établissant l’unité de front de combat entre les couches décisives de la population travailleuse de la campagne (les ouvriers agricoles, les paysans pauvres et une grande partie des paysans moyens) contre les agrariens, contre les capitalistes, contre l’État fasciste. En s’appuyant sur les noyaux de l’Association de défense des paysans pauvres, le P.C. doit les élargir, les rendre plus actifs et y raffermir ses positions dirigeantes.

Il doit mener une vaste agitation contre les municipalités fascistes, contre les impôts, etc., et ainsi, autour des revendications partielles des paysans, stimuler et orienter la lutte de ceux-ci pour lui donner un caractère de lutte révolutionnaire de masse contre l’État fasciste-bourgeois.

Enfin, la lutte contre le danger de guerre impérialiste et pour la défense de l’U.R.S.S. acquiert en Italie une très grande importance par suite de la politique agressive de l’impérialisme italien qui cherche dans la guerre une issue à ses contradictions et à sa crise.

   10. Le problème de la social-démocratie est très important pour le Parti italien. La social-démocratie italienne dans tous ses courants, ne constitue en aucune façon une exception parmi les autres partis social-fascistes de la IIe Internationale. Une partie de la social-démocratie italienne (la majorité de la direction syndicale réformiste) s’est déjà intégrée au régime fasciste.

L’autre partie (le Parti réformiste et le Parti maximaliste) qui s’est transportée à l’étranger, mène seulement une lutte en paroles contre le fascisme et est en réalité un instrument du fascisme dans la lutte contre le communisme et les éléments prolétariens révolutionnaires. Certains éléments de la social-démocratie italienne discutent même avec Mussolini des conditions de leur retour en Italie et de leur intégration au régime réactionnaire de la bourgeoisie italienne.

Il ne peut y avoir de doute que dans le développement de la crise générale du régime fasciste, la social-démocratie italienne ne prenne une part active et de premier plan, dans le pays même, à l'écrasement du mouvement révolutionnaire de masse en arrivant à un accord direct avec le fascisme. Le fait que la social-démocratie cherche actuellement à établir des liaisons avec certaines couches de la classe ouvrière et paysanne, et a recours à une phraséologie « révolutionnaire » ne peut être considéré que comme une façon d’utiliser le mouvement de masse pour ses buts réactionnaires.

Le Parti communiste doit mener parmi les masses la lutte la plus intense et la plus acharnée contre la social-démocratie et contre tout courant « démocratique » bourgeois et petit-bourgeois. Il doit déraciner, détruire l’opinion profondément fausse et dangereuse selon laquelle la social-démocratie italienne serait différente des autres partis social-fascistes de la IIe Internationale. Le Parti communiste doit dénoncer inlassablement la social-démocratie comme un parti social-fasciste ; de même il doit dénoncer toutes les illusions démocratiques sur le rôle « progressif » et « révolutionnaire » de la social-démocratie en prouvant par des faits de la lutte de classes que seul le Parti communiste défend réellement les intérêts des ouvriers et des paysans.

C’est seulement en démasquant impitoyablement la social-démocratie italienne comme prolongement politique du fascisme italien que le P.C.I. saura lutter conséquemment et jusqu’au bout contre la dictature fasciste qui, au moment critique, cherchera au moyen de la social-démocratie un appui parmi les masses travailleuses.

   11. Le Parti dans ces derniers temps a sans doute obtenu des succès (reprise de liaisons durant un certain temps interrompues avec certaines régions, réorganisation de la base, campagne du Premier Août, participation active à la conférence de la C.G.T.U., etc.). Le Comité central de septembre a fait une juste autocritique de la politique du Parti, en a précisé la ligne générale en accord avec la ligne générale de l’I.C. et conformément à la nouvelle situation. Il a corrigé certaines erreurs commises dans le passé, a posé les bases idéologiques et politiques de la lutte contre l’opportunisme et les tendances conciliatrices et a mené énergiquement cette lutte dans son sein, en excluant le renégat Tasca.

La situation d’organisation du Parti et la façon dont se développe son activité ne peuvent cependant pas encore être considérées comme satisfaisantes. Les organisations de base ont en général, une activité politique trop réduite. Elles se limitent à une agitation générale, ne réussissent pas à stimuler et à pousser en avant les masses ouvrières et paysannes comme cela serait nécessaire et possible et dans la plupart des cas ne réussissent pas à être à la tête de mouvements de masse qui se produisent spontanément.

Les cadres moyens sont insuffisants et leur niveau idéologique et politique est très bas.

Il existe un écart trop grand entre le centre du Parti et la base et le rythme du travail est en général trop lent. Les mêmes faiblesses peuvent être constatées dans l’organisation des Jeunesses communistes qui, en outre, sort d’une période au cours de laquelle elle avait fusionné à la base presque complètement avec les organisations du Parti et en conséquence se trouve à un niveau de développement très bas.

En ce qui concerne le travail syndical, la tendance à identifier les organisations du Parti avec les organisations syndicales est encore prépondérante, ce qui empêche le développement d’une activité organisée de caractère syndical parmi les masses des sympathisants et des ouvriers sans-parti.

Tenant compte des difficultés de la situation, il faut constater que le développement du Parti est en retard sur le développement de la situation, en ce qui concerne l’organisation, l’activité politique en liaison avec les masses, la capacité de diriger leur mouvement. Le danger le plus grand qui menace actuellement le P.C.I. est qu’il ne réussisse pas à rattraper ce retard, et qu’il soit condanné à rester à la remorque des événements et des mouvements de masse. Pour surmonter cet écart et, partant, pour pouvoir accomplir les tâches énormes que lui posent impérieusement le développement de la crise en Italie et le réveil du mouvement ouvrier, le P.C. doit opérer un tournant décisif dans le domaine de l’organisation et dans les méthodes de travail pratique.

   12. Le B.P. du C.C. du P.C.I. a soulevé, quoique avec retard, la nécessité d’un pareil tournant. Parmi les principales conditions nécessaires à la réalisation de ce tournant il faut citer les suivantes :

   a) Le recrutement de nouveaux adhérents au P.C., aux J.C. et aux syndicats révolutionnaires doit être au centre de l’attention et du travail journalier de toutes les organisations du Parti. C’est le succès de ce travail qui déterminera dans une large mesure la réalisation effective du tournant dans le travail du P.C.

   b) En ce qui concerne le travail dans les organisations fascistes de masse (syndicats, coopératives, organisations sportives, etc.) le P.C. a donné des directives justes, mais jusqu’à ces derniers temps on les a suivies dans une mesure très insuffisante.

Il est nécessaire d’obtenir la réalisation rapide et décisive de ces directives.

  c) Il faut renforcer dans la plus grande mesure, le travail dans les syndicats, répartir d’une façon juste le travail entre les organisations syndicales et les organisations du Parti. Entraîner les ouvriers sympathisants actifs à participer à la direction du travail syndical.

    d) Il faut porter la plus grande attention aux questions du travail parmi les chômeurs. Le P.C. doit déployer la plus grande activité dans ce sens en organisant des comités et des conseils de chômeurs, en liant l’activité de ces comités et conseils aux tâches du travail du P.C. dans les syndicats et dans les entreprises et en liant le mouvement des chômeurs à la lutte générale de classe du prolétariat.

   e) Il faut intensifier le travail parmi les émigrés. Étant donné les nouvelles tâches se posant actuellement devant le P.C., l’importance du travail parmi les nombreux émigrés prolétariens d’Italie s’accroît énormément.

Dans ce travail le P.C. doit se poser pour tâche de détruire l’influence de la social-démocratie italienne parmi les émigrés et d’organiser systématiquement le travail pour recruter parmi les émigrés de nouveaux cadres dirigeants. Ce travail parmi les émigrés doit s’effectuer en contact étroit avec les P.C. intéressés.

Ces derniers doivent soutenir et aider le P.C.I. dans ce travail. Tout le travail parmi les émigrés doit être organisé de façon à renforcer et à multiplier la liaison politique et d’organisation avec les masses ouvrières et paysannes restées en Italie, car c’est à l’intérieur du pays que doit se trouver le centre de gravité du travail du P.C.I.

   f) Le P.C. doit également intensifier la lutte contre l'Église catholique en expliquant inlassablement que l’Église aide le fascisme et la bourgeoisie internationale à asservir les grandes masses de travailleurs, à préparer la guerre contre l’Union soviétique et à réprimer le mouvement révolutionnaire des masses opprimées.

   13. Dans les conditions actuelles, devant l’aggravation de la situation économique et politique et à la veille de vastes mouvements de masse et de la lutte du prolétariat contre l’État capitaliste, le P.C. se trouve en présence de la tâche excessivement urgente, importante et difficile d’étendre son influence idéologique, politique et d’organisation sur les masses dans le but d’orienter leur mouvement dans la voie de la lutte de classe politique, révolutionnaire et conséquente.

Le Parti ne pourra atteindre ce but s’il ne sait pas venir à bout et détruire définitivement toutes les variétés d’opportunisme. À l’étape actuelle, le danger le plus grand qui menace le parti et tout le mouvement ouvrier, est le danger opportuniste de droite, le courant et les tendances opportunistes de droite.

Tout le Parti et chaque communiste en particulier doivent combattre ce danger implacablement et par tous les moyens. Cette lutte doit être menée avec opiniâtreté, sans hésitations, sans esprit de conciliation, sans équivoque, sans atténuation. C’est précisément sous ce rapport que la direction du Parti a commis une erreur politique des plus sérieuses qui s’est exprimée par la lenteur, les hésitations du C.C., par la mobilisation insuffisante de la périphérie du Parti dans la lutte contre la position opportuniste de droite et liquidatrice de Tasca.

Il existe dans la situation italienne actuelle des conditions objectives qui constituent une base favorable à la diffusion de l’idéologie opportuniste dans certaines couches de la classe ouvrière et dans le Parti lui-même.

Parmi les masses et à la base du Parti, l’opportunisme se manifeste essentiellement par une incompréhension du rôle dirigeant de la lutte antifasciste qui revient à la classe ouvrière, par la tendance à attendre passivement que le fascisme tombe sous l’action d’autres classes ou d’autres facteurs (une partie de la bourgeoisie, la social-démocratie, une défaite militaire, etc.), par la tendance à renvoyer l’action de classe du prolétariat contre le régime capitaliste à un moment ultérieur, etc. Dans la pratique, l’opportunisme se manifeste par la passivité, par la renonciation au travail d’agitation parmi les masses, par la crainte du mouvement de masse, par l’attente passive du développement de ce mouvement en dehors de l’action organisée du Parti.

Il conduit le Parti à la passivité, à l’impuissance devant les tâches résultant de la situation, au manque de confiance dans les forces de la classe ouvrière, à la capitulation devant l’ennemi.

La destruction des racines de l’opportunisme dans le Parti et dans la classe ouvrière est la condition indispensable à la réalisation de l’hégémonie du prolétariat dans la lutte contre le fascisme, pour pouvoir donner à cette lutte un contenu révolutionnaire de classe.

La lutte contre l’opportunisme est d’autant plus nécessaire que dans ces derniers temps un fort courant d’opportunisme s’est manifesté même parmi les organes de direction du Parti.

La déclaration présentée au Comité central par le camarade P., membre du B.P. constitue, en fait, une plateforme opportuniste. Ce camarade est en désaccord profond avec la ligne politique de l’Internationale, il défend d’une façon insidieuse et équivoque les positions qui ont été prises dans presque tous les partis de l’Internationale par les éléments opportunistes et liquidateurs (négation de la radicalisation des masses, incompréhension du mouvement actuel, tentatives de discréditer la ligne de l’I.C., de la présenter comme une ligne qui conduit à la destruction du mouvement communiste, etc.).

Le camarade P. soutient la thèse fausse et profondément opportuniste de la possibilité d’une démocratisation de la situaiton italienne et du fascisme.

Il montre une incompréhension complète des tâches d’organisation du Parti, qualifie l’action que le Parti doit accomplir en Italie pour stimuler et diriger le mouvement des masses comme un « facteur artificiel », défend la passivité, répand le pessimisme petit-bourgeois le plus profond.

La position de ce camarade doit être condamnée de la façon la plus énergique comme une position qui mène à la liquidation du Parti. La lutte contre cette position devra être menée ouvertement, sans aucun ménagement, en combattant en même temps tous ceux qui ne se désolidarisent pas d’avec le camarade P., qui se refusent à le combattre, qui montrent une tendance à la tolérance et à la conciliation envers son point de vue.

Le plan d’organisation qui a été présenté par quelques membres du Bureau politique doit être aussi considéré comme une plate-forme qui peut mener à la position opportuniste du camarade P.

La base idéologique de ce plan d’organisation représente un appui aux tendances admettant la spontanéité du développement de la révolution, et de ce fait sous-estime le rôle dirigeant qui incombe au Parti dès le début du mouvement de masse. Pratiquement ces camarades cherchent à justifier leurs positions en prétextant la faiblesse et les défauts de l’organisation du Parti, qu’ils exagèrent artificiellement. Les faiblesses et les défauts du Parti doivent être reconnus entièrement et sans crainte par une autocritique collective et l’on doit tâcher de les vaincre en contrôlant soigneusement l’exécution des décisions prises.

Mais ces faiblesses ne peuvent servir d’arguments contre la nécessité d’accomplir un tournant énergique dans les méthodes de travail, contre la nécessité de poser et de résoudre, le plus rapidement possible, toute une série de problèmes nouveaux.

En raison de cela, le CC. du P.C.I. croit nécessaire de surmonter énergiquement toutte les résistances à la nouvelle ligne d’organisation du Parti visant les organes centraux, l’appareil du Parti et la base.

Une vérification de l’appareil du Parti devra être faite sur la base de la lutte idéologique contre l’opportunisme, sur la base de la capacité de chaque fonctionnaire du Parti à travailler aux nouvelles tâches et avec les nouvelles méthodes.

     14. Mais la lutte contre les vestiges du « fascisme » et le danger opportuniste de droite ne sera pas une lutte ferme et conséquente si le Parti n’arrête pas, en même temps, toute tentative de ressusciter en son sein le bordighisme anarcho-liquidateur. Cela signifie que la lutte contre le principal danger, contre les déviations et la mentalité opportuniste de droite, ne doit pas cacher le danger des tendances de « gauche », des tentatives de ressusciter les vestiges du bordighisme anarcho-liquidateur.

Il est impossible de détruire définitivement et de rendre politiquement inoffensive l’idéologie opportuniste de droite du camarade P., si l’on ne démasque pas le fait qu’elle revêt des apparences soi-disant gauches à la Bordiga. Si dans le fond, par sa portée politique, la plateforme du camarade P. constitue une défense tardive du fascisme, elle n’en spécule par moins habilement sur certaines erreurs, depuis longtemps reconnues ouvertement per le C.C., elle représente une tentative d’agir sur l’état desprit des éléments prolétariens honnêtes du Parti, mécontents de certaines lacunes dans l’organisation e le travail pratique. En même temps, le camarade P. agit également sur l’état d’esprit des éléments qui n’ont pas encore complètement et définitivement liquidé les derniers vestiges du bordighisme.

Le C.C. du P.C.I. croit nécessaire d’employer à l’égard des éléments prolétariens du Parti, honnêtes, dévoués et d’état d’esprit révolutionnaire, une méthode de persuasion patiente et d’explications systématiques, en les entraînant dans le travail courant, voire même en les faisant participer au travail responsable. En même temps, le C.C. du P.C.I. et les organisations locales du Parti doivent combattre énergiquement les courants opportunistes de droite et de « gauche » et leurs agents et représentants masqués, avérés ou poltrons.

   15. La façon dont se sont développées dans le B.P. du Parti les discussions sur les nouvelles tâches d’organisation a démontré l’existence d’une faiblesse intérieure des organes de direction du Parti.

Cette faiblesse est, en partie, le résultat de la situation très difficile dans laquelle ces organes et tout le Parti ont travaillé durant ces dernières années et de l’écart trop grand existant entre le centre et la base. Mais cette faiblesse est aussi, en partie, la conséquence d’une fausse méthode de direction qui a été suivie les années précédentes, du fait que dans le centre du Parti, par crainte de troubler sa composition, on n’a pas poussé à fond toutes les divergences politiques.

En conséquence le Parti a été amené à accomuler certaines erreurs (hésitations sur la question allemande, lenteur dans le développement de la lutte idéologique et politique contre Tasca) et certaines positions opportunistes ont eu la possibilité de rester dissimulées jusqu’à présent.

Ces positions opportunistes pourront être démasquées complètement seulement lorsque la lutte contre l’opportunisme et les conciliateurs sera développée largement et sans ménagements, quand elle sera portée sur le terrain pratique, sur le terrain des tâches concrètes actuelles et de leur réalisation. Cette lutte ne pourra que renforcer la solidité intérieure du C.C. et du B.P. parce qu’elle liera au C.C. du Parti les meilleurs éléments révolutionnaires de la base et de la classe ouvrière. Au cours de cette lutte, et au cours de tout travail du Parti, la discipline et l’unité intérieure des organes centraux devront être garanties le plus rigoureusement contre toutes tentatives de mépriser l’autocritique qui doit largement être développée ou de la transformer en lutte fractionnelle, cause de désagrégation.

Mais ce résultat sera atteint d’autant plus facilement que le C.C. luttera énergiquement pour la ligne générale de l'I.C. et du Parti, qu’il défendra cette ligne contre toute attaque sans chercher des accommodements avec ceux qui sont en désaccord avec elle ou qui résistent à son application. En particulier, le C.C. du P.C.I. estime nécessaire de hâter la réalisation de la cooptation au Comité central de nouveaux éléments ouvriers travaillant à l’usine.