18 avr 2012

Cheminade et l'espace : un projet impérialiste très concret

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Jacques Cheminade, candidat à l'élection présidentielle connu pour ses propos sur la colonisation de Mars, passe souvent pour un excentrique. Son discours contient de nombreuses références qui pourraient faire croire qu'il a des convictions communistes. Cependant, il ne faut pas s'y tromper : le projet de Jacques Cheminade est un projet impérialiste fasciste très concret et très sérieux.

Photo de Jacques CheminadeSon site de campagne contient un page réservée à la conquête spatiale. Dès les premières lignes, il cite Tsiolkovsky. Il parle ensuite de Vernadsky dont il prétend s'inspirer. Et son leitmotiv repose sur le fait que le développement d'un programme spatial ambitieux va devenir l'« objectif commun de l'humanité » favorisant la paix dans la mesure où un tel « programme ne pourra être mené qu’à un niveau international ». Une lecture trop superficielle pourrait laisser penser que les points de vue du PCMLM et de Jacques Cheminade sont similaires.

Toutefois, une lecture plus approfondie aboutit rapidement à la conclusion que le programme de Cheminade, même s'il paraît communiste dans la forme, est dans le fond typique du projet impérialiste français.

1. L'unification de Brest à Vladivostok

Malgré le fait qu'il répète constamment qu'un programme spatial de grande envergure permettrait l'établissement de la paix au niveau international, ces propos traduisent bien son ambition. Ainsi, il explique que :

la France et l’Europe ne doivent plus se borner à suivre les choix actuels de notre partenaire américain, qui sont de prendre les créneaux les plus rentables à court et moyen terme, mais viser le moyen et le long terme, en intégrant la Russie dans l’aventure, tout en s’efforçant de convaincre les Américains de changer d’attitude.

Ce grand projet international a du mal a transparaître ici car on voit bien que que l'ambition doit être celle de la France d'abord, associée ensuite à l'Europe. Puis seulement vient la Russie qu'il faut intégrer. Mais on ne s'associe pas à la Russie, on l'intègre. Enfin, les Etats-Unis qu'on doit s'efforcer de convaincre, comme s'ils étaient un mauvais élève qu'il faut bien faire participer puisqu'on ne peut réaliser le projet seul.

Cette simple phrase souligne donc que, pour Jacques Cheminade, la responsabilité du programme spatial doit incomber d'abord à la France, faisant ainsi preuve de sa grandeur, et que certains autres pays doivent la suivre. Certains pays car on voit bien ici à quoi se résume l'international : la France, l'Europe, la Russie et éventuellement les Etats-Unis. Et qu'en est-il de la Chine ? La Chine dont il dit au tout début qu'elle s'est bien engagée dans l'exploration de l'espace n'apparaît à aucun moment dans le document de Jacques Cheminade.

Quant aux pays ne possédant pas actuellement de programmes spatiaux, ils sont « associés » au projet de manière assez floue, à première vue. Il parle du « développement du tiers monde (de toute l’économie humaine en profondeur) [qui] sera la piste de décollage pour l’exploration spatiale ». Là encore, derrière un belle rhétorique qui pourrait évoquer la coopération internationale, la métaphore choisie est très significative. A sert sert une piste de décollage ? On roule dessus, on s'en sert pour décoller mais la piste, elle, ne décolle pas. Elle reste au sol.

Car il ne faut pas se leurrer. Même si Jacques Cheminade explique que les pays du « tiers monde » participeront au programme et laisse entendre que cela bénéficiera à leur développement, il est évident que ce projet pharamineux va nécessiter une grande quantité d'ouvriers et que c'est bien dans les pays les plus pauvres qu'il va aller chercher cette main d'œuvre.

Mais ce projet impérialiste ne se caractérise pas seulement par l'établissement d'un axe Brest-Vladivostok sous leadership de la France, la description qui est faite du programme spatial est elle aussi très significative.

2. Un projet colonial

Dans les médias, on entend surtout parler de colonisation de Mars mais le programme de Jacques Cheminade se focalise surtout sur l'industrialisation de la Lune. Sous couvert d'exploration de l'espace, il n'y a en réalité qu'une seule finalité : s'approprier de nouveaux territoires à exploiter et fournir de nouvelles matières premières à la France.

Sa vision de la Lune est la suivante :

Deux raisons conduisent à préparer dès aujourd’hui une exploration et une industrialisation de la Lune et à l’entreprendre dès demain.

La première est qu’il ne peut y avoir de programme sûr et cohérent d’exploration de Mars, et au-delà, qu’à partir d’une base lunaire. La faiblesse de l’attraction lunaire permet en effet un décollage vers Mars dans de bien meilleures conditions, avec moins de dépense d’énergie et la possibilité de transporter beaucoup de choses (notamment le carburant…).

La seconde est l’immense réservoir de produits intéressants dont dispose la Lune (fer, titane, silicium, oxygène...). Tout particulièrement, l’on y trouve de l’hélium-3, qui pourra devenir, associé au deutérium, une base pour la production d’énergie par la fusion thermonucléaire contrôlée, à bas coût, sans pollution et en quantités pratiquement illimitées.

On voit bien que la Lune est juste un outil : d'un côté un moyen pour atteindre plus facilement Mars et de l'autre un réservoir géant de ressources à vider pour répondre aux besoins d'énergie. C'est véritablement une politique coloniale qu'il défend.

Ainsi, pour louer l'audace de son projet, Jacques Cheminade fait un parallèle avec « ceux qui ont découvert l’Amérique [et qui] sont partis avec le projet de parvenir à un but et ne se sont pas déterminés en fonction d’un rapport coût/efficacité à court terme. ». Quelle comparaison ! Certes ceux qui ont colonisé l'Amérique ne se sont pas souciés des conséquences à court terme mais ils ne sont pas non plus beaucoup souciés de la vie qu'il y ont trouvé : que ce soit les populations indiennes qu'ils ont réduit en esclavage ou que ces soit les bisons qu'ils ont massacrés.

Cette image est donc particulièrement significative : le projet est bien de découvrir de nouveaux mondes mais surtout de les coloniser, de les soumettre à la volonté impérialiste.

Dans la même logique, il explique que :

Lorsque nous aurons réussi à construire des villes habitables dans un environnement hostile comme celui de Mars, nous serons encore bien davantage en mesure d’en construire dans les déserts de notre planète.

Tout cela pourrait être intéressant si les déserts n'étaient pas déserts justement... Il existe tout une faune et une flore spécifiques aux déserts. Cela illustre bien le fait que lorsque Jacques Cheminade cite Vernadsky, ce n'est que pure forme. Vernadsky expliquait que l'ensemble des êtres vivants forment la Biosphère qui est en relation avec son environnement. Ainsi, il posait que sans environnement propice, il ne peut y avoir de vie (pour aller plus loin, voir le document sur Vernadsky et la Biosphère). Mais pas un mot de tout cela. Jacques Cheminade n'a saisi qu'une partie anecdotique de la thèse de Vernadsky. Il n'a pas compris sa pensée systémique et fondamentalement écologique.

3. Le PCMLM est le véritable héritier de Tsiolkovsky et Vernadsky

Si Jacques Cheminade fait mine d'endosser le drapeau rouge de la révolution, son drapeau est en réalité marqué du sceau de l'impérialisme.

Un véritable programme spatial tel que Konstantin Tsiolkovsky le prévoyait ne peut se faire que dans le socialisme. Dire qu'il suffira d'entreprendre un tel programme pour que la paix se développe sur Terre est complètement idéaliste. Comme nous l'avons vu, Jacques Cheminade a une vision coloniale de la conquête spatiale et soutient une politique impérialiste difficilement compatibles avec sa belle rhétorique sur la coopération internationale.

Au niveau idéologique, seul le PCMLM assume pleinement les enseignements de Tsiolkovsky et de Vernadsky. Ainsi, dans l'article sur Konstantin Tsiolkovsky, de la Biosphère à la Voie Lactée, nous reprenions ses propos sur l'existence de civilisations extra-terrestres qui seront très certainement plus évoluées que nous et bienveillantes envers les autres formes de vie.

Or, Jacques Cheminade ne parle que d'identité terrienne et héliocentrique posant déjà par ces termes un sentiment « patriote » à l'échelle planétaire par rapport à l'extra-terrestre puis à l'échelle du système solaire par rapport à tout ce qui est en dehors.

Le PCMLM assume l'exploration spatiale dans un cadre matérialiste dialectique avec de solides bagages théoriques dont les bases sont posées dans la série d'articles sur La vie, la matière, l’univers (présentation, la vie comme matière en mouvement, enfants du soleil, la cosmologie de Mao Zedong). Mais une de nos missions consiste à protéger la Biosphère et non à chercher à exploiter d'autres planètes pour ne pas avoir à se soucier de ce que l'on fait à la planète Terre. Enfin, nous avons un solide projet politique communiste car la révolution au service des masses passera par la guerre populaire et non par un projet impérialiste qui se cache derrière de fausses positions populistes.

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