19 avr 2012

Nicolas Dupont-Aignan : un technocrate au service du fascisme

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Le candidat Nicolas Dupont-Aignan à la présidentielle fera certainement un score très faible aux élections. Pour autant, il profite largement de la campagne pour diffuser ses idées et obtient un certain prestige sur les questions économiques. 

Nicolas Dupont-Aignan est un néo-gaulliste ; son programme est celui du redressement de l'impérialisme français. Il est en fait sur la même ligne que Marine Le Pen. Non seulement ils prônent tout deux le protectionnisme et le retour au Franc contre l'Euro, mais il avait lui même sous-entendu cela en affirmant au Figaro Magazine qu'il nommerait Marine Le Pen au poste de Premier ministre en cas de victoire. 

Mais d'une certaine manière, c'est plutôt l'inverse qui est vrai : Nicolas Dupont-Aignan est une sorte de ministre de l'économie de Marine Le Pen.

Si Marine Le Pen a un rôle éminemment politique qui consiste à mobiliser les masses derrière un projet de restructuration de l'impérialisme, lui est un garant sérieux – surtout sur le plan économique - de ce même projet nationaliste. 

Alors bien sûr, pour des raisons politiques, il critique, un peu, Marine Le Pen soulignant « ses outrances et ses excès » et expliquant que : « Mon obsession, ce n'est pas la viande halal. Mon obsession, c'est le chômage, c'est la pauvreté. » 

Il se dit différent du Front National; car il ne serait pas raciste, car il « ne veut pas stigmatiser les Merah », mais sur le fond il a la même ligne nationaliste néo-gaulliste. 

Nicolas Dupont-Aignan fait partie des courants souverainistes de la droite française. Il était un proche de personnes comme Philippe Séguin, Charles Pasqua ou Philippe de Villiers qui se sont systématiquement opposés aux traités européens dans les années 1990. 

Dans les années 2000, il intègre l'UMP et se présente pour la présidence du parti contre Nicolas Sarkozy en y dénonçant l'abandon des références gaullistes. En toute logique, il est ensuite un partisan du « non » lors du référendum de 2005.

En quoi consiste la ligne protectionniste néo-gaulliste défendue par Nicolas Dupont-Aignan ?

« Ni de droite, ni de gauche », soi-disant au-dessus des partis et des classes sociales (comme le prétendait De Gaulle), il défend principalement l'autonomie de l'impérialisme français dans le monde. Il entend « ne pas obéir à Merkel », mais il est pour la construction d'un « deuxième porte-avion » pour défendre « une France qui fasse entendre la voix de la Justice » ou bien encore « parler de la même manière à Israel ou à la Palestine ». 

Clairement dans la lignée du gaullisme, il défend une voie autonome agressive pour l'impérialisme français, notamment par rapport à l'impérialisme américain, avec entre autre une politique du pré-carré de la France sur la Méditerranée soi-disamment pour y « développer le Maghreb ».

Il ne critique jamais directement l'impérialisme américain - il n'a pas les même impératifs politiques que Marine Le Pen. Mais comme elle, il « dénonce » les marchés financiers comme cause de tout les problèmes, sans jamais bien sûr expliquer en quoi consisterait sa critique du capital financier. Et pour cause, cette « critique » n'est que de la démagogie qui consiste à défendre le capitalisme en prétendant le critiquer.

De manière populiste, il prétend mener un combat de libération nationale car « la France est occupée, occupée dans sa tête, ses dirigeants sont serviles, ils ont oublié l’intérêt général ». 

Pour Nicolas  Dupont-Aignan, comme pour Marine Le Pen, « l’intérêt général » est en fait celui de l'impérialisme français qu'ils souhaitent restructurer. 

Ils critiquent tout deux les « traités de libre échange », s'opposent au FMI ou bien dénoncent Pierre Moscovici, le directeur de la campagne de François Hollande, pour sa « connivence avec le CAC 40 ». Et comme Marine Le Pen, il met systématiquement en avant le prix nobel d'économie Maurice Allais en expliquant qu'il est pour la sortie de l'Euro. 

Mais Nicolas Dupont-Aignan peut bien faire dans « l'humour » populiste en confondant le « Grand Journal » de Canal + avec le « Grand Capital », le fait est que c'est son programme qui est celui du « grand capital ».

Le gaullisme dont il se réclame, en plus d'être un anticommunisme virulent (auquel, comme Le Pen, il n'est pas étranger), était une forme originale de la dictature du capital financier français, c'est à dire des monopoles impérialistes français. Le gaullisme, c'est la modernisation des groupes monopolistes français et de leur domination, en Afrique notamment.

Avec la généralisation de la crise du mode de production capitaliste et l'accentuation des contradictions inter-impérialistes, la ligne néo-gaulliste apparaît de plus en plus clairement comme une évolution obligée pour l'impérialisme français – mais dans une version adaptée à l'époque, une version agressive menant tout droit au fascisme. 

Nicolas Dupont-Aignan est une caution de « calme » et de « réalisme » de cette ligne – il est d’ailleurs souvent présenté comme un excellent gestionnaire ayant su redresser les finances de la très endettée commune de Yerres, dont il est constamment réélu maire depuis 1995. Si Marine Le Pen a pour rôle de mobiliser les masses, celui de Nicolas Dupont-Aignan est d'attirer les intellectuels de droite, les cadres de l'Etat bourgeois.

Le néo-gaullisme de Nicolas Dupont-Aignan sert la progression du fascisme et jouera assurément un rôle important dans la future synthèse du fascisme français.  

 

 Il convient de mentionner le niveau intellectuel tout à fait exceptionnel de la littérature et de la pensée fascistes [en France]. L'oeuvre de Gentile mis à part, il n'existe nulle part en Europe d'idéologie fasciste de qualité comparable. Il importe ensuite de souligner que, parallèlement à l'aspect mystique et irrationnel, romantique et émotionnel, le fascisme français s'est donné aussi une dimension planiste, technocratique et « manageriale », serait-on tenté de dire. 

Cet aspect essentiel, et souvent méconnu, du fascisme provient de la crise du socialisme d'alors, elle-même résultat de l'impuissance de la pensée marxiste à répondre au défi que présente la crise du capitalisme. Plus qu'ailleurs, c'est en France que fleurissent toutes les chapelles du fascisme, tous les clans et groupuscules possibles et imaginables. Ce foisonnement de tendances et d'écoles est certes pour beaucoup dans l'impuissance politique du fascisme français.

Mais il atteste aussi de sa richesse idéologique et de son potentiel. L'imprégnation fasciste dans ce pays fut bien plus profonde et les milieux touchés bien plus nombreux qu'on ne l'imagine ou qu'on ne le reconnaît d'ordinaire

Zeev Sternhell, Ni droite ni gauche: l'idéologie fasciste en France

 
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