27 mar 2012

Quand les victimes deviennent coupables

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Une forme de négationnisme insidieux et dégoûtant se répand déjà sur l'attentat antisémite du Lundi 19 Mars. Il se répand aujourd'hui principalement par le biais de personnes et d'organisation d'Extrême-Gauche ou de « gauche de la gauche » d'une part et par le biais de personnes musulmanes fortement influencée par le salafisme ou les thèses néo-salafistes de Tariq Ramadan.

Quand il est impossible de nier la réalité des faits, deux techniques sont utilisées pour semer le trouble. Tout d'abord, il est fait en sorte de relativiser l'importance du crime.

Ensuite, il est nié la responsabilité réelle des faits et fait en sorte de présenter les victimes comme victimes d'elles-mêmes en quelque sorte.

Ces techniques ont été largement développées ces 30 dernières années à propos du génocide des juifs perpétré par les nazis. Ces méthodes de contournement ont été développées, car un consensus s'était fait pour rejeter massivement ces crimes et la réalité de ces mêmes crimes était plus qu'évidente, et leur vérité historique considérée comme inattaquable.

Ainsi des lois ont été votés dans un grand nombre de pays pour condamner la négation de l'Holocauste comme étant criminelle, par exemple avec en France la Loi Gayssot qui condamne aussi l'expression du racisme et qui est la cible incessante des fascistes qui veulent l'abroger.

Par exemple, de grandes polémiques sont menées sur le nombre de personnes juives liquidées par le régime nazi, tentant de le réduire de 6 millions à quelques centaines de milliers. Pour cela, ou est tout bonnement nié que le nombre reconnu de victimes soit vrai ou alors est nié qu'elles aient été génocidé (il est dit qu'elles seraient mortes de maladie, de froid, etc.).

C'est ce que Roger Garaudy, qui est passé du statut de principal intellectuel révisionniste du P « C » F révisionniste à l'islamisme, avance dans son livre devenu un classique de la littérature antisémite « Les mythes fondateurs de la politique israélienne ».

Sous couvert de critique de la politique de l'Etat d'Israël, il nie la réalité de la Shoah présentée comme une « invention sioniste » pour justifier la création cet Etat. Les sionistes auraient d'une part comploté mondialement pour faire croire à la réalité d'un génocide, alors qu'il n'y aurait eu selon les négationnistes que des personnes mortes de maladies, et d'autre part les sionistes auraient comploté contre les Juifs eux-mêmes en les livrant aux nazis. Ainsi, des juifs sont rendus responsables de la mort massive d'autres juifs et donc est nié la dimension génocidaire du fascisme.

Un autre exemple très connu de ce type de rhétorique est le pamphlet du gauchiste Amadéo Bordiga « Auschwitz ou le grand alibi ». Bordiga était le leader du Parti Communiste d'Italie jusqu'en 1925 et de la « gauche » de l'Internationale Communiste jusqu'en 1930 date à laquelle il en a été enfin exclu pour son opposition à la lutte antifasciste (en Italie fasciste!). Il fait partie des personnes qui sont la cible des critiques de Lénine dans son ouvrage « Le gauchisme : La maladie infantile du Communisme ».

Dans son pamphlet négationniste, Bordiga qui ne peut nier la réalité du génocide nazi, met en avant l'idée qu'il ne résulterait que d'un conflit entre deux parties de la petite-bourgeoisie. Les juifs étant présentés - de manière tout ce qu'il y a de plus antisémite - comme étant tous des petits-bourgeois.

On voit là une manière très élaborée de rendre coupable les juifs du génocide qui les a touché. Ainsi, ils auraient été génocidé à cause de leur propre essence de petit-bourgeois et non de l'idéologie antisémite des nazis. Ce discours est très largement accepté à ce qu'on appelle l'ultra-gauche ainsi qu'une partie des trotskystes.

Aujourd'hui de quoi s'agit-il dans ce cas précis du massacre de Toulouse?

On a vu par exemple la réaction spontanée de Philippe Poutou qui consistait à voir dans la tuerie barabre de l'école Ozar Hatorah de Toulouse un complot de Sarkozy « pour qu'on ne parle plus de la crise ».

Ce type de délire complotiste est en train de se répendre par le biais des réseaux sociaux et des forums internet et commencent à être repris par certaines organisations antisémites.

Ainsi, il est sous-entendu que cette tuerie serait un complot des services secrets israéliens, car Mohamed Merah a un tampon israélien sur son passeport -qui lui vient du fait qu'il s'est rendu dans les régions palestiniennes (de fait sous contrôle militaire sioniste).

Cette information est par exemple mise en avant par le site Europalestine, dont la nature de serviteur de l'antisémitisme n'est plus à démontrer.

On a exactement la même chose avec le groupe toulousain Coup pour coup, qui prétend être tourné vers les luttes sociales, mais est quasiment exclusivement orienté en fait vers un anti-capitalisme romantique s'appuyant sur la cause palestinienne pour avoir une identité.

Dans leur communiqué sur le pogrom du 19 mars, il est bien parlé d'un acte antisémite, alors qu'en même temps pourtant l'antisémitisme est nié... Une contradiction qui saute aux yeux de tous et toutes, sauf bien entendu des anti-capitalistes romantiques.

Il est donc parlé de meurtres antisémites commis par un simple « déséquilibré » (qui ne serait ainsi même plus antisémite, ni musulman et même plus arabe par conséquent, comme par magie) manipulé indirectement par le sionisme et d'ailleurs le document ne parle finalement pratiquement que d’Israël et du sionisme, expression significative d'une vision du monde romantique s'appuyant sur une obsession maladive (« Voir qu'un jeune déséquilibré est à la fois désigné comme "français d'origine algérienne", "musulman" montre à quel point Sarkozy et Cie entretiennent la confusion et les amalgames racistes pour mieux servir leur propre projet de division et renforcer leur politique raciste, en particulier arabophobe, en désignant "l'arabe" comme l'ennemi intérieur. » ; « Voir qu'un jeune déséquilibré justifie des crimes antisémites par la situation des enfants en Palestine, montre à quel point l'antisémitisme se nourrit du sionisme »).

On est aussi ici une logique « anti-impérialiste » qui dit qu'il y a des morts partout, que l'impérialisme c'est la guerre et les morts (ce qui est vrai), et que par conséquent l'antisémitisme n'existe pas (ce qui est faux).

Afin de relativiser la portée de l'acte barbare de Mohamed Merah, le nombre de morts qu'il a provoqué est également souvent comparé à ceux provoqué par le fasciste Andres Breivik.

Cette manière de considérer les personnes assassinées par ces deux fascistes montre la profondeur avec laquelle a pénétré au coeur de la société française la culture social-darwiniste. Ainsi, l'humanité des personnes victimes de la barbarie de ces deux fascistes est totalement niée, elles sont ravalée au rang de nombre, d'entités abstraites.

C'est leur dignité d'être vivants qui est d'emblée niée. Et c'est là une des pierres angulaires du social-darwinisme génocidaire : les êtres humains ne sont plus considéré comme des personnes vivantes avec une identité, une vie propre, une famille mais comme des choses abstraites dont on peut se débarrasser.

Et donc, les personnes juives dans leur ensemble sont aussi rendus coupables de l'assassinat des 3 enfants et du père de famille de l'école Ozar Hatorah. L'idée est qu'après tout, « les juifs l'ont bien cherché ».

C'est une idée traditionnelle de l'antisémitisme, qui désormais utilise l'Etat sioniste. Il est mis en avant que si les enfants ont été assassinés par Mohamed Merah, c'est à cause de la politique de l'Etat d'Israël, et que donc le coupable n'est pas Merah.

C'est exactement le même objectif qui est visé par la comparaison systématique avec les morts palestiniens. C'est ce que disent dans leurs communiqués les identitaires antisémites pro-islamistes du Parti des Indigènes de la République et l'Union des « Juifs » Français pour la Paix.

Les Indigènes de la République disent par exemple que « Comment pouvait-on ne pas prévoir qu’un jour tout cela mènerait à des actions violentes dont les Français juifs, constamment identifiés par la propagande israélienne au sionisme, seraient la cible ? »

Quant à l'Union des « Juifs » Français pour la Paix, elle ne parle que d'Israël et même pas de l'antisémitisme...

Les présupposés racistes lamentables de cette tentative de justification théorique et sociologique des attentats de Mohamed Merah (sans pouvoir l'affirmer publiquement pour l'instant) sautent aux yeux.

Quels rapports entre des enfants juifs de Toulouse et la Palestine ? Ce sont des enfants qui ont été tués, ainsi qu'un rabbin, pas un représentant israélien officiel et clairement identité comme un ambassadeur, un représentant commercial, un responsable militaire, etc.

Le coup de dire que Merah avait pris au sérieux le discours sioniste et assimilé les personnes juives à Israël est ridicule et n'est qu'une excuse pour ne pas remettre en cause l'antisémitisme.

C'est bien qu'on est dans un délire anti-capitaliste romantique où tous les juifs sont ainsi assimilé en une seule entité mondiale solidairement responsable. C'est là le fond typique de la vision du monde délirante du racisme. C'est d'ailleurs exactement le même type d'argumentaire qui est utilisé pour attaquer les personnes arabes à partir de la barbarie des islamistes.

Le prédicateur que l'on peut qualifier de néo-salafiste Tariq Ramadan nie, lui, de manière affirmée le caractère « antisémite » des meurtres de Mohamed Merah.

Il met en avant le fait que ce serait la frustration ressentie par Mohamed Merah de ne pouvoir trouver sa place dans la société française qui serait le moteur de ces meurtres et non une cause politique.

C'est d'abord un manque de réalisme par rapport à de Mohamed Merah, qui bien qu'étant un nazi ayant liquidé des petits enfants de sang froid, n'en était pas moins un militant politique se battant pour ce qu'il croyait juste.

Reconnaître cela est d'une importance extrême pour ne pas tomber dans l'absurde. S'il est vrai que le fascisme se nourrit pour part du ressentiment d'une partie de la petite-bourgeoisie et du désarroi des masses en leur donnant un faux sens, il n'en reste pas moins qu'il est la matérialisation de la vision du monde de la bourgeoisie impérialiste. En choisissant d'assassiner des enfants juifs pour pallier au manque de cibles militaires qui étaient sa vraie mission, Mohamed Merah a mis en évidence l'antisémitisme profond qui l'habitait.

Ceux qui affirment comme Mélenchon qu'aujourd'hui la tâche principale serait « d'éviter tout amalgame » se trompe et trompe les masses. Ils le font, car ils ne rêvent que de jeter un voile sur l'éclosion sanguinaire de la barbarie antisémite.

Ils le font car ils ne veulent pas assumé leurs propres paroles qui nourrissent cela, leur propre relativisation de l'antisémitisme de dirigeants comme Chavez ou Ahmadinejab, de l'anti-capitalisme romantique sur lequel il surfe de manière opportuniste.

Aujourd'hui, la tâche impérieuse est celle de la défense de la dignité d'êtres humains des personnes juives assassinées par Mohamed Merah, de la défense de leur mémoire. Il faut lutter contre le développement de ce rélativisme insidieux qui n'est que le prélude à de futurs actions génocidaires et barbares encore plus violentes.

La tâche des personnes authentiquement progressistes est de combattre au sein des masses pied à pied, argument après argument, les tentatives de nier l'antisémitisme de l'attentat de Mohamed Merah, de déshumaniser les victimes de ce crime nazis.

Malgré toute l'horreur qu'ils nous inspirent, ces crimes ne sont qu'un coup de semonce annonçant le déchaînement de barbarie que va répandre le fascisme dans sa marche vers le pouvoir.  

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