19 Jan 2012

La question de la famille et de la jeunesse à notre époque

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Le thème de la famille est régulièrement abordé dans le domaine politique et habituellement assimilé à un sujet propice aux idées réactionnaires. Il est vrai que le fait de parler d'une thématique comme la famille conduit généralement à souligner les « valeurs traditionnelles » dans une logique ouvertement réactionnaire.

Néanmoins, il serait faux (car anti-dialectique) de considérer la famille uniquement sous l'angle réactionnaire. En vérité, la question de la famille est incontournable et fait partie de la vie quotidienne. En ce sens, il est indispensable que les communistes s'y intéressent. La famille est ainsi un excellent reflet de la progression par étapes de l'histoire, comme l'enseigne le matérialisme historique. Les communistes sont inévitablement portés vers l'analyse des époques et donc la succession des générations. La famille est donc un endroit où s'exprime la bataille entre le nouveau et l'ancien en raison de la confrontation entre les générations qui s'y déroulent. La question de la famille est donc indissociable de celle des générations.

A chaque époque, les nouvelles générations font l'objet de la vindicte réactionnaire. A l'époque actuelle, les jeunes sont généralement décris comme : incultes (« ils ne connaissent plus rien », « ils ne s'intéressent à rien », « ils ne savent même plus s'exprimer correctement »), vulgaires, « décérébrés » par Internet, ou encore violents et dépourvus de toute morale.

En vérité, ce type de jugement de valeur est le produit de notre époque elle-même qui influe sur les jeunes générations.

Il est ainsi indéniable que la plupart des jeunes aujourd'hui sont exposés dès leur plus jeune âge à des scènes extraordinairement brutales, y compris et surtout dans le domaine pornographique. Cette banalisation de la brutalité trouve un écho dans la rubrique « fait-divers » de la presse bourgeoise qui décrit régulièrement des atrocités commises, souvent à connotation sexuelle, par des enfants ou de jeunes adolescents. 

Pour nous communistes, les faits-divers en tant que tels n'existent pas. La bourgeoisie parle justement de faits-divers pour faire diversion, mais les évènements classés comme « fait-divers » sont bien de nature politique et témoignent de la déliquescence de la société produite par le capitalisme. D'ailleurs, on peut remarquer que les jeunes ne sont pas les seules vecteurs de cette décadence, comme l'ont prouvé les affaires touchant Frédéric Mitterrand, Berlusconi, Strauss-Kahn ou celle du Carlton de Lille. Notre époque est ainsi marquée par une ambiance glauque où la romance a quasiment disparu au profit de relations nihilistes, « calculées » et consuméristes. 

Il est tout aussi indéniable que les jeunes générations font partie des victimes privilégiées de l'abrutissement général vers lequel tend inévitablement le capitalisme en crise. L’impression générale sur le manque de culture des jeunes générations est donc bien réelle, mais là encore elle ne représente qu’un aspect de la profonde décadence dans laquelle est plongée le capitalisme, avec à sa tête la bourgeoisie. La classe dominante du capitalisme est aujourd'hui incapable de porter l’exigence de culture et de civilisation. Le PCMLM l’a maintes fois démontré en soulignant que de squelettes de dinosaures étaient vendus aux enchères, que la bourgeoisie bradait le patrimoine comme le château de Versailles ou échouait dans la protection de peintures.

C'est précisément dans ce climat de décadence que s'élève dès à présent et s'affirmera encore plus fortement à l'avenir l'exigence de civilisation que porte en elle la jeunesse. Car il est évident que les jeunes générations ne sont pas simplement marquées par une l'inculture, le « vite consommé » et l'abrutissement. Les jeunes d'aujourd'hui sont aussi animés d'idées nouvelles qui écraseront le monde ancien des générations qui les ont précédés.

Bien entendu, les jeunes des générations passées incarnaient aussi des idées nouvelles qui entendaient balayer le monde ancien, mais l'époque n'était pas alors celle de la crise générale du capitalisme où la question de civilisation revêt une dimension d'urgence. Cette urgence est tout simplement celle de la préservation de la vie de la planète. En effet, le mode de production capitaliste est arrivée en fin de cycle et ne peut maintenir son entreprise d'exploitation qu'en sacrifiant littéralement la vie de la planète Terre.

Ces deux dernières années ont été marquées (entre autres) par la coulée de boue toxique en Hongrie, la marée noire géante dans le Golfe du Mexique, l'accident nucléaire de Fukushima ou encore l'effondrement des habitations situées en zones inondables après le passage de la tempête Xynthia. Ces deux derniers évènements sont consécutifs à des phénomènes naturels qui démontrent que la planète est une entité vivante qui doit être comprise et non contrainte par les lois du profit capitaliste qui engendrent mort et destruction.

Cette mort vient se nicher dans les entrailles de la Terre, remplies des déchets toxiques de l'industrie nucléaire. Et cette logique folle va se poursuivre, comme le montre la construction en Finlande d'un gigantesque sanctuaire souterrain destiné au stockage des déchets nucléaires "pour l'éternité"...

Le capitalisme ne peut répandre que la mort sur son passage et la survie de la planète est donc une question urgente. Ce dépérissement de la planète ne peut être compris que de deux manières : soit de façon nihiliste dans une ambiance de « fin du monde » (comme le film Melancholia, la publicité énorme faite autour du calendrier Maya, ou plus communément les beuveries extrêmes – binge drinking - des jeunes où le but consiste à « s'assommer » le plus vite possible) ; soit de façon positive, c'est-à-dire par la révolution pour dépasser la barbarie ambiante et donner une chance à la vie sur la planète.

Les jeunes générations, bien plus que les autres, sont confrontées à cette réalité terrible et ont bien compris l'urgence de la situation. Cette conscience s'exprime justement dialectiquement au sein de la jeunesse entre la tentation nihiliste et le progressisme intransigeant qui conduira à la révolution socialiste.

En somme, il s'agit bien là de la bataille entre l'ancien et le nouveau qui se forge dans la confrontation, les contradictions entre générations, dont un des endroits privilégiés est la famille. En France, le repas de famille est une institution. Or le repas est un moment de la vie de famille éminemment politique.

Dans notre pays, les repas de famille sont un « truc de vieux » qui dure des heures et des heures et où les enfants s'ennuient généralement à mourir. Le placement autour de la table y reflète une "hiérarchie" qui respecte souvent la répartition traiditionnel (et patriarcale) des tâches, attribuant une place en bout de table au "père de famille" et celle de la mère à proximité immédiate de la cuisine. Au quotidien, les repas de la "cellule familiale" sont aussi fréquemment pesant pour les enfants. Les repas symbolisent la famille soudée et, de manière dialectique, offrent souvent l'occasion à l'explosion des contradictions, de colères trop longtemps rentrées.

Beaucoup de films montrent justement des scènes d'affrontement au cours de repas ou détournent l'image idéale de la famille unie (qui repose en vérité sur les contradictions non exprimées, les secrets non révélés). Dans le genre horrifique, Massacre à la tronçonneuse est un classique de ce type détournement (plus récemment The Devil's Rejects explore aussi cette veine), mais on pense aussi à Festen, American Beauty, TogetherHappiness ou encore Open Hearts.         

Dans leur contenu même, les repas de famille sont un lieu de contradiction entre le nouveau et l'ancien, ce dernier considérant tout incartade en dehors des « traditions » (viande ou poisson obligatoires) comme une excentricité. Le repas pose la question de la représentation de la biosphère au quotidien, du positionnement de l'être humain en tant qu'animal appartenant à la biosphère.

Aujourd'hui, le menu du repas n'est pas un simple sujet de conversation mais un sujet politique au cœur de notre époque et de l'urgence écologique dont nous avons parlé plus haut. Les contradictions générationnelles aujourd'hui ne peuvent plus se résoudre avec le temps qui permet soi-disant de devenir « raisonnable » et de « rentrer dans le rang ». Les contradictions au sein de la famille entre le nouveau et l'ancien seront de nos jours forcément beaucoup plus intenses que par le passé en raison du caractère urgent de la survie de la planète. La perspective de la révolution socialiste est aujourd'hui véritablement une question de vie ou de mort.

Cette radicalité est aujourd'hui déjà présente dans la jeunesse qui n'a vécu que dans une ambiance de délitement complet du capitalisme, et il arrive souvent que la radicalité s'exprime dans les comportements extrêmes qui se multiplient... mais cette radicalité comporte aussi en elle les germes de la révolution socialiste de demain qui ne tergiversera pas dans la destruction du vieux monde capitaliste et des éléments réactionnaires.

Le monde est autant le vôtre que le nôtre, mais au fond, c'est à vous qu'il appartient. Vous les jeunes, vous êtes dynamiques, en plein épanouissement, comme le soleil à huit ou neuf heures du matin. C'est en vous que réside l'espoir.

(Mao Zedong)

Il faut bien voir malgré tout que la famille est plébiscitée comme une « valeur refuge », un îlot de solidarité au milieu d'une société capitaliste qui favorise la compétition individualiste. Mais il ne s'agit là que d'un pragmatisme qui tend vers la réaction et le conservatisme. Il s'agit pour les réactionnaires de passer par-dessus les contradictions inévitables pour défendre l'image d'une famille « éternelle », résistant aux tourments de notre époque. Marine Le Pen a même réactivé cette semaine une ancienne disposition du Front National visant à octroyer un salaire parental aux femmes aux foyer.

Le programme du FN prévoit en fait « le versement d’un revenu équivalent à 80% du SMIC pendant 3 ans à partir du 2ème enfant, renouvellement d’une durée de 4 ans pour le 3e enfant » destiné « aux mères et aux pères de famille » et il est donc intéressant de constater que Marine Le Pen rattache cette mesure automatiquement aux attributions « traditionnelles » de la femme dans la vision patriarcale dans la société patriarcale.

Nous communistes ne considérons pas la famille comme un bloc monolithique à préserver dans une version favorable aux anciennes générations mais au contraire comme un lieu de confrontation idéologique où se déroule la bataille entre l'ancien et le nouveau, le nouveau l'emportant inéluctablement.

Les fascistes chérissent l'ancien et entendent reproduire la forme traditionnelle de la famille où la femme reste confinée aux tâches domestiques et à l'éducation des enfants tandis que l'homme "s'aventure" à l'extérieur du « foyer » pour y ramener ses moyens de subsistance.

Aller vers le nouveau consiste au contraire à oser rompre avec l'idéologie dominante, oser porter la contradiction au cœur des familles.

La famille n'est pas une « valeur » à part qui sera épargnée mais un lieu de confrontation qui fera écho à la révolution socialiste car la révolution socialiste est une remise en cause de fond en comble de la société qui touche tous ses aspects.

 

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