19 mai 2010

La contradiction entre les villes et les campagnes - 1re partie

Submitted by Anonyme (non vérifié)

« Plus il en sera ainsi, plus les hommes non seulement sentiront, mais sauront à nouveau qu’ils ne font qu’un avec la nature… »
(Friedrich Engels,
Le rôle du travail dans la transformation du singe en homme - 1878)

Le capitalisme s’est formidablement développé avec la contradiction entre le travail manuel et le travail intellectuel. Cette contradiction a été visible dès le début, avec les capitalistes d’un côté, et le prolétariat de l’autre. Mais depuis une trentaine d’années, et de manière toujours plus grande, de manière toujours plus sanglante en ce début de XXIe siècle, nous pouvons prendre conscience de la non moins grande importance de la seconde contradiction du capitalisme : celle entre les villes et les campagnes.

La planète subit des assauts incessants, des attaques de dimension toujours plus énorme, et l’ensemble de la vie sur Terre est menacé par une orgie de destruction, parce que les villes avalent les campagnes, engloutissent la nature, jusqu’aux océans.

D’ici 50 ans, au rythme actuel, la planète Terre sera un champ de ruines et un monde de mort, où la jeunesse humaine sera d’une haine terrible pour ceux qui dans le passé savaient, et n’ont rien fait, préférant leur propre « confort ».

Faut-il alors regretter le passé, se tourner vers lui ? Non, c'est une attitude romantique, au cœur de l’idéologie fasciste. Le fascisme a comme noyau idéologique le fait de contourner la contradiction entre travail manuel et travail intellectuel, en prétendant retourner en arrière au nom de la contradiction entre les villes et les campagnes.

Non, ce que nous devons faire, c’est tracer la voie pour dépasser la contradiction entre les villes et les campagnes ; l’humanité doit impérativement reculer et comprendre sa place dans la biosphère. Oui, les villes doivent reculer, elles doivent desserrer leur emprise sur le monde, afin que les humains puissent vivre comme il se doit, comme les animaux qu’ils sont. C’est une question de civilisation : quelle civilisation voulons-nous ?

Celle d’un monde bétonné où les humains sont esclaves du capital cherchant toujours davantage à se reproduire, à s’élargir, engloutissant la planète entière, considérant la planète Terre comme un gros caillou ?

Ou bien devons-nous avoir comme programme le communisme, c’est-à-dire une civilisation sans classes ni État, où l’humanité existe sur la planète Terre en comprenant que celle-ci est une biosphère ?

L’URSS de Staline et la Chine populaire de Mao Zedong avaient parfaitement compris cette question. Les thèses sur la biosphère, expliquées par Vernadsky, ont été assumées par l’URSS de Staline qui s’est également orientée dans la résolution de la contradiction entre les villes et les campagnes. Il est impossible de comprendre la socialisation des campagnes en URSS, la généralisation des Kolkhozes et des Sovkhozes, sans comprendre justement cet objectif : la fondation de centres semi-urbains semi-ruraux, de très haut niveau culturel.

De la même manière, il est impossible de comprendre les communes populaires chinoises sans voir que leur identité était exactement contraire à ce que Deng Xiaoping a réalisé par la suite : un développement totalement débridé, déséquilibré, exploitant et polluant de manière massive. Les communes populaires visaient un développement équilibré, avec un refus attentif de toute pollution ; il s’agissait d’avancer dans la résolution de la contradiction entre les villes et les campagnes, prudemment, en ayant conscience de cet objectif communiste.

Mais comment est née théoriquement la compréhension de la contradiction entre les villes et les campagnes ?

Cette compréhension a été l’œuvre de Karl Marx et Friedrich Engels. Les deux fondateurs du marxisme ont compris la nature de l’être humain, ils savaient parfaitement que l’être humain est un animal, et par conséquent ils ont considéré les villes, telles qu’elles existent dans le capitalisme, comme étant nécessairement passagères dans l’histoire de l’humanité. Voyons ici comment s’est établie cette compréhension, avec deux citations de Friedrich Engels : une sur les villes et une sur le rapport inévitable et fondamental entre les humains et la nature.

Voyons tout d’abord comment Friedrich Engels a parfaitement compris l’absence de morale exigée par les rapports capitalistes dans les grandes villes, et ce d’une manière incroyablement profonde :

La cohue des rues a déjà, à elle seule, quel­que chose de répugnant, qui révolte la nature humaine.

Ces centaines de milliers de personnes, de tout état et de toutes classes, qui se pressent et se bousculent, ne sont-elles pas toutes des hommes possédant les mêmes qualités et capacités et le même intérêt dans la quête du bonheur ? Et ne doivent-elles pas finalement quêter ce bonheur par les mêmes moyens et procédés ?

Et pourtant, ces gens se croisent en courant, comme s’ils n’avaient rien de commun, rien à faire ensemble, et pourtant la seule convention entre eux est l’accord tacite selon lequel chacun tient sur le trottoir sa droite, afin que les deux courants de la foule qui se croisent ne se fassent pas mutuellement obstacle ; et pourtant, il ne vient à l’esprit de personne d’accorder à autrui ne fût-ce qu’un regard.

Cette indifférence brutale, cet isolement insensible de chaque individu au sein de ses intérêts particuliers, sont d’autant plus répugnants et blessants que le nombre de ces individus confinés dans cet espace réduit est plus grand.

Et même si nous savons que cet isolement de l’individu, cet égoïsme borné sont partout le principe fondamental de la société actuelle, ils ne se manifestent nulle part avec une impudence, une assurance si totales qu’ici, précisément, dans la cohue de la grande ville.

La désagrégation de l’humanité en monades, dont chacune a un principe de vie particulier et une fin particulière, cette atomisation du monde est poussée ici à l’extrême. Il en résulte aussi que la guerre sociale, la guerre de tous contre tous, est ici ouvertement déclarée.

Comme l’ami Stirner [théoricien de l'ultra-individualisme de type anarchiste], les gens ne se considèrent réciproquement que comme des sujets utilisables ; chacun exploite autrui et le résultat c’est que le fort foule aux pieds le faible et que le petit nombre de forts, c’est-à-dire les capitalistes s’approprient tout, alors qu’il ne reste au grand nombre des faibles, aux pauvres, que leur vie et encore tout juste. (La situation de la classe laborieuse en Angleterre)

Ces phrases datent du milieu du XIXe siècle, mais Friedrich Engels a parfaitement compris la tendance de fond, le caractère anonyme et inhumain des villes et le fait qu’elles sont façonnées par la bourgeoisie pour satisfaire ses besoins.

Mais si Friedrich Engels a compris cela, s’il affirme que ces villes sont inadaptées aux êtres humains, c’est parce qu’il a saisi ce qu’est l’être humain, et sa nécessité de ne plus faire qu’un avec la nature :

Bref, l’animal utilise seulement la nature extérieure et provoque en elle des modifications par sa seule présence ; par les changements qu’il y apporte, l’être humain l’amène à servir à ses fins, il la domine. Et c’est en cela que consiste la dernière différence essentielle entre l’être humain et le reste des animaux, et cette différence, c’est encore une fois au travail que l’être humain la doit.

Cependant, ne nous flattons pas trop de nos victoires sur la nature. Elle se venge sur nous de chacune d’elles. Chaque victoire a certes en premier lieu les conséquences que nous avons escomptées, mais en second et en troisième lieu, elle a des effets tout différents, imprévus, qui ne détruisent que trop souvent ces premières conséquences. Les gens qui, en Mésopotamie, en Grèce, en Asie mineure et autres lieux essartaient les forêts pour gagner de la terre arable, étaient loin de s’attendre à jeter par là les bases de l’actuelle désolation de ces pays, en détruisant avec les forêts les centres d’accumulation et de conservation de l’humidité.

Les Italiens qui, sur le versant sud des Alpes, saccageaient les forêts de sapins, conservées avec tant de soins sur le versant nord, n’avaient pas idée qu’ils sapaient par là l’élevage de haute montagne sur leur territoire ; ils soupçonnaient moins encore que, ce faisant, ils privaient d’eau leurs sources de montagne pendant la plus grande partie de l’année et que celles-ci, à la saison des pluies, allaient déverser sur la plaine des torrents d’autant plus furieux.

Ceux qui répandirent la pomme de terre en Europe ne savaient pas qu’avec les tubercules farineux ils répandaient aussi la scrofule. Et ainsi les faits nous rappellent à chaque pas que nous ne régnons nullement sur la nature comme un conquérant règne sur un peuple étranger, comme quelqu’un qui serait en dehors de la nature, mais que nous lui appartenons avec notre chair, notre sang, notre cerveau, que nous sommes dans son sein, et que toute notre domination sur elle réside dans l’avantage que nous avons sur l’ensemble des autres créatures, de connaître ses lois et de pouvoir nous en servir judicieusement.

Et en fait, nous apprenons chaque jour à comprendre plus correctement ces lois et à connaître les conséquences plus proches ou plus lointaines de nos interventions dans le cours normal des choses de la nature. Surtout depuis les énormes progrès des sciences de la nature au cours de ce siècle, nous sommes de plus en plus à même de connaître les conséquences naturelles lointaines, tout au moins de nos actions les plus courantes dans le domaine de la production, et, par suite, d’apprendre à les maîtriser.

Mais plus il en sera ainsi, plus les êtres humains non seulement sentiront, mais sauront à nouveau qu’ils ne font qu’un avec la nature et plus deviendra impossible cette idée absurde et contre nature d’une opposition entre l’esprit et la matière, l’être humain et la nature, l’âme et le corps, idée qui s’est répandue en Europe depuis le déclin de l’antiquité classique et qui a connu avec le christianisme son développement le plus élevé.

(Le rôle du travail dans la transformation du singe en homme)

Avec la science, l’être humain peut vivre en harmonie avec la nature, et non pas de manière précaire comme lors du communisme primitif, au début de l’humanité, mais de manière planifiée : c’est le sens du communisme.

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