9 déc 2015

Présentation du Cahier de la Défense nationale « Pour un nouvel indépendantisme » par Jean-Luc Mélenchon à l'Hôtel des Invalides

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Aujourd'hui, ce mercredi 9 décembre 2015 Jean-Luc Mélenchon est l'invité principal d'une conférence sur les questions militaires. L’événement se déroule à l’Hôtel national des Invalides, lieu hautement symbolique pour l'Armée française qui dépend directement du Gouverneur militaire de Paris.

Il s'agit de la présentation d'un cahier, une sorte de Hors-série de la Revue Défense Nationale avec pour thème : « Pour un nouvel indépendantisme ».

Cette revue traitant de questions militaires existe depuis 1939 et est traditionnellement dirigée par des officiers généraux. Elle n'est pas directement liée à l'Armée, mais ses publications peuvent très bien être relayées sur le site du Ministère de la Défense par exemple. C'est un espace de positionnement théorique et idéologique pour les cadres de l’appareil militaire français, il s'agit là des hautes sphères dirigeantes de l'impérialisme français. 

Seront présents lors de cette conférence des délégations diplomatiques du Brésil, du Venezuela ou encore de la Russie, ainsi que l'Amiral Jean Dufourcq et le Colonel Michel Goya. C'est dire si l'enjeu est important.

Ce cahier « Pour un nouvel indépendantisme » a été réalisé sur la base des contributions de la Journée Défense organisée par le Parti de Gauche en février 2014, le titre lui-même fait référence à une interview donnée par Jean-Luc Mélenchon au journal Sud-Ouest au mois d'août 2015. On trouvera une présentation de cette journée avec l'introduction par Jean-Luc Mélenchon directement ici.

La pensée développée dans le cadre de cette journée est très simple : l'impérialisme français devrait retrouver son indépendance, mieux s'équiper militairement et quitter l'OTAN pour ne plus être lié à l'impérialisme américain.

Voici comment le président du Parti de Gauche présente son analyse :

« Aujourd'hui les États-Unis d'Amérique dominent le monde, au moyen  d'une monnaie qui sert de réserve et leur permet de vivre à crédit sur le reste du monde. Une masse monétaire gigantesque circule qui n'a aucune contrepartie matérielle. » 

Jean-Luc Mélenchon ajoute ensuite, de manière idéaliste et typique de l'anticapitalisme romantique, que « l'essentielle des transactions du monde se font sans lien avec la production matérielle ». Par ailleurs, il constate que la Chine ne peut que prendre de l'ampleur, « mécaniquement », mais que cela engendre des contradictions avec l'impérialisme américain. Il tranche alors de la manière suivante :

« Dans ces conditions, l'observation neutre, froide, fait dire que la première source de danger est aux États-Unis d'Amérique et non pas en Chine. »

Puisque, selon lui, la valeur du dollar ne serait garantie par « aucune contrepartie matérielle » mais « seulement par la puissance militaire américaine » (ce qui est une totale absurdité), la question militaire est au centre des problématiques et :

« les États-Unis sont donc dans l'obligation de s'inventer de manière régulière des ennemis épouvantables et abominables de façon à pouvoir continuer à concentrer cette puissance militaire. » 

C'est ainsi qu'il justifie sa position social-chauvine anti-américaine, visant à en fait à « autonomiser » l'impérialisme français pour développer ses intérêts (ce qui en fait veut dire changer d'alliance pour viser une place plus dominante) :

« La France n'a rien à faire dans cet attelage belliqueux, qui non seulement l'allie à une puissance aux aboies, mais l'oblige à affronter ceux qui devraient être ses partenaires, je pense en particulier à la Chine. » 

Lien vers le dossier : Le rôle de l'argent selon MarxIl explique donc que l'impérialisme Français « n'a pas de communauté d’intérêt avec les États-Unis » et critique le fait qu'actuellement « nous sommes à la remorque de l'empire pour aller provoquer les Russes en Ukraine » (on notera ici l'emploi du terme « l'Empire » pour parler des États-Unis d'Amérique à la manière typique de l'extrême-droite nationaliste révolutionnaire française)

Ensuite de cela, Jean-Luc Mélenchon met en avant que la France est la deuxième puissance maritime mondiale, que « la mer est le lieu prochain de l’expansion humaine » et que donc forcément cela constitue un enjeu militaire important. C'est là en fait une totale reprise du programme du Front National de 2012 qui mettait pareillement en avant la puissance maritime française, venant de ce qui reste de colonies françaises, comme un levier pour accroître la puissance française et la domination sur les autres puissances impérialistes.

De la même manière, il explique en quoi il est normal pour l'impérialisme français d'assurer le contrôle de l'espace, qu'il devraient être en mesure de détruire des satellites ennemis par exemple.

Liste des articles sur la grande question : Que représente le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon ?

La même chose est expliqué pour les groupes monopolistes français, qu'il n'entend pas combattre mais au contraire renforcer, notamment vis-à-vis des impérialismes concurrents, « raison pour laquelle, certaines industries doivent-être considérées comme des industries stratégiques et ne peuvent être abandonnées au hasard du marché ». 

Les choses sont très claires, le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon n'est pas, comme il le prétend régulièrement de manière mensongère, contre le capitalisme. Il est contre le capitalisme américain et entend faire des propositions stratégique très offensives pour le développement du capitalisme français, plus précisément l'impérialisme français. 

Cela nécessite pour lui des liaisons et une unité idéologique avec des personnalités dirigeantes hautement placées au sein de l'impérialisme français. Cela passe notamment par l'Armée, place forte et stratégique pour la bourgeoisie impérialiste française.

Étaient ainsi présents lors de la Journée Défense du Parti de Gauche des intervenant tels l'Amiral Jean Dufourcq (Rédacteur en chef de la Revue de la Défense Nationale, ancien commandant de sous-marin d'attaque), l'Amiral Claude Gaucherand (Ancien conseiller du ministre de la Défense Jean-Pierre Chevènement), le Général Pierre-Dominique d’Ornano, le Général Vincent Desportes (Ancien Commandant de l’École de guerre, ancien Commandant de régiment de chars), Jean-Charles Hourcade  (Ancien vice-président du trust militaro-industriel Thales) ou encore Laurent Henninger (Historien en stratégie, enseignant à l’École militaire).

Lien vers le document : PCF(mlm) / Pour une démocratie populaire

Il faut noter aussi qu'elle était organisée à l'Institut des Relations Internationales et Stratégiques qui est un think-tank dont sont membres des hommes politiques de la droite gaulliste ou de la « gauche souverainiste » et des représentants de différents monopoles français. Elle était présentée par le directeur-fondateur de l'IRIS, Pascal Boniface, un chercheur qui met en avant une ligne violemment chauvine, pro-russe, anti-américaine et anti-israélienne,.

Il est intéressant de noter que cette Journée Défense du Parti de Gauche a pu être relayée par le site militariste français Theatrum Belli (un site s'étant donné pour « mission » de « participer au rayonnement des armées françaises et des industries de défense françaises et européennes sur le Net ») qui commentait :

« Intrigué que ces questions soient abordées par une mouvance politique plutôt marquée par un pacifisme béat, TB assista à ce colloque qui fût néanmoins riche et surprenant dans une ambiance en partie très critique sur l’alignement atlantiste de la France. »

La proposition stratégique du Parti de Gauche, telle qu'exprimée dans le titre du cahier de la Revue Défense Nationale et développée lors de la Journée Défense du Parti de Gauche est donc de promouvoir « un nouvel indépendantisme », contre « l'atlantisme » (c'est-à-dire l'alliance avec les États-Unis d'Amérique).

Lien vers le dossier : Trotskysmes et néo-socialismes français

C'est en fait, exactement la même proposition stratégique que celle du Front National de Marine Le Pen, mais avec une coloration « de gauche ».

La ligne est très simple, « La France n'est pas une nation occidentale », elle devrait tracer sa propre voie impérialiste, notamment par des « partenariats » avec les nations émergentes, « en Afrique et en Asie ». Cette proposition de « partenariats » vise en fait à réimpulser l'influence qu'exerce en Afrique et en Asie l'impérialisme français en donnant une nouvelle image plus moderne aux bourgeoisies compradores qui lui sont soumises.

Sur le plan strictement militaire, Jean-Luc Mélenchon propose pour l'impérialisme français d'« exercer une bienveillante coopération avec tous ceux qui le souhaite ». C'est-à-dire se placer exactement sur le même terrain que les États-Unis d'Amérique en se présentant comme une alternative plus « amicale ».

Cela n'a rien d'extraordinaire ou de très novateur, c'est en fait la ligne impérialiste française classique, celle de la colonisation et de l'Empire français de la fin du XIXe siècle, celle du gaullisme. C'est-à-dire un impérialisme qui se présente comme « juste » et « amical ». C'est la ligne qui a pu être développée par Jacques Chirac par exemple, bien qu'il n'ai pas choisi pour sa part l'opposition frontale aux États-Unis d'Amériques. 

Le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon ne représente pas la révolution ou le socialisme. Tout comme le Front National de Marine Le Pen il représente la partie la plus agressive de l'impérialisme français ayant choisi l'affrontement, ou du moins la distanciation marquée d'avec l'impérialisme américain. Le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon est le pur représentant français du « social-impérialisme », d'une ligne qui se veut socialiste et nationaliste à la fois, nationale et révolutionnaire.

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