25 mai 2013

La social-démocratie (1883-1914) - 2ème partie : face à la charte d'Amiens

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Le problème à la fin du 19ème siècle était le suivant : la classe ouvrière était inculte, la révolution industrielle, toujours en cours, était marquée par un développement inégal.

Et si la classe ouvrière a commencé à s'organiser, c'était sur une base économique, pour la solidarité et pour le droit de former des associations, dans un climat de sévère répression.

De l'autre côté, les théoriciens marxistes étaient encore à l'extérieur de la classe ouvrière. Et ils n'étaient pas les seuls « intellectuels » qui voulaient aller à la classe ouvrière : les intellectuels bourgeois voulait dans certains cas, notamment dans des situations où l'aristocratie était encore forte, mobiliser la classe ouvrière dans le sens de réformes libérales bourgeoises.

Le syndicalisme révolutionnaire était né, en théorie, contre l'influence des intellectuels bourgeois dans la classe ouvrière : c'est le sens de la révolte du Hongrois Ervin Szabó, mais il apparut que, bientôt, cela passa à une rébellion contre la théorie en général.

La classe ouvrière serait suffisante en elle-même, elle n'aurait pas besoin d'une théorie, seulement d'une pratique venue de la réalité directe ; la science serait un prétexte pour les bureaucrates pour être des « fonctionnaires » et parasiter la classe ouvrière.

Ainsi, Ervin Szabó a commencé sa carrière politique comme un étudiant révolutionnaire qui voulait que la jeunesse intellectuelle se joigne à la classe ouvrière, qui était inculte et ne pouvait même pas lire. Il a joué un rôle dans la formation de la social-démocratie, comme mouvement de masse organisé dans un parti de cadres, mais il a fini par avoir vraiment peur de l'influence possible des révisionnistes, des arrivistes au sein du parti.

Par conséquent, Ervin Szabó a rejeté la politique en général, qu'il résume en un parlementarisme organisé seulement pour bénéficier aux « fonctionnaires », et il a salué le syndicalisme, l'école de l'action possible pour tout travailleur.

Il est facile de voir qu'Ervin Szabó a considéré comme impossible un lien organique entre le dirigeant et les masses - et c'est précisément ce que Karl Kautsky va théoriser, et que Lénine formulera idéologiquement et politiquement avec le Parti bolchevik.

Le pays où cette conception « syndicaliste révolutionnaire » a eu le plus d'impact a été la France. Les courants anti-politiques avaient l'hégémonie culturelle et idéologique dans la classe ouvrière, parce que le marxisme n'était pas connu.

C'est pourquoi le syndicat qui a été construit à la fin du 19ème siècle est tombé dans les mains du syndicalisme révolutionnaire ; à son 9ème congrès qui s'est tenu en 1906, une « charte » a été adoptée dans la ville d'Amiens par la Confédération Générale du Travail.

Écrit par Victor Griffuelhes son dirigeant (1874-1922) et par Émile Pouget (1860 - 1931), il s'agit d'un refus ouvert de quoi que ce soit ayant à voir avec l'idéologie ou la politique.

Voici ce qui est dit:

Le Congrès confédéral d'Amiens confirme l'article 2, constitutif de la CGT : « La CGT groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat ».

Le Congrès considère que cette déclaration est une reconnaissance de la lutte de classe, qui oppose sur le terrain économique les travailleurs en révolte contre toutes les formes d'exploitation et d'oppression, tant matérielles que morales, mises en œuvre par la classe capitaliste contre la classe ouvrière.

Le Congrès précise, par les points suivants, cette affirmation théorique : dans l'œuvre revendicatrice quotidienne, le syndicalisme poursuit la coordination des efforts ouvriers, l'accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d'améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l'augmentation des salaires, etc.

Mais cette besogne n'est qu'un côté de l'œuvre du syndicalisme : d'une part il prépare l'émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l'expropriation capitaliste, et d'autre part, il préconise comme moyen d'action la grève générale et il considère que le syndicat, aujourd'hui groupement de résistance, sera, dans l'avenir, le groupe de production et de répartition, base de réorganisation sociale.

Le Congrès déclare que cette double besogne, quotidienne et d'avenir, découle de la situation des salariés qui pèse sur la classe ouvrière et qui fait, à tous les travailleurs, quelles que soient leurs opinions ou leurs tendances politiques ou philosophiques, un devoir d'appartenir au groupement essentiel qu'est le syndicat.

Comme conséquence, en ce qui concerne les individus, le Congrès affirme l'entière liberté pour le syndiqué, de participer, en dehors du groupement corporatif, à telles formes de lutte correspondant à sa conception philosophique ou politique, se bornant à lui demander, en réciprocité, de ne pas introduire dans le syndicat les opinions qu'il professe au dehors.

En ce qui concerne les organisations, le Congrès déclare qu'afin que le syndicalisme atteigne son maximum d'effet, l'action économique doit s'exercer directement contre le patronat, les organisations confédérées n'ayant pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre en toute liberté la transformation sociale.

Cette « charte d'Amiens » est devenu un des principaux piliers de l'anti-communisme en France, une grande barrière contre le matérialisme dialectique.