6 sep 2015

Émigration et immigration - 5e partie : des besoins du mode de production capitaliste

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Le déplacement de centaines de milliers de personnes depuis les pays semi-coloniaux semi-féodaux vers les pays capitalistes n'est pas réellement propre au cycle d'accumulation du capital commencé en 1945, car le phénomène existait à différents niveaux auparavant.

Dès la fin du XIXe siècle, la tendance apparaissait déjà comme possible. Friedrich Engels, dans une lettre de mars 1886 à August Bebel, traite du capitalisme et de sa crise ; constatant que la Chine était la « dernière civilisation fondée sur l'union de l'agriculture et de l'artisanat », il explique que le capitalisme va tout faire pour l'intégrer.

Friedrich Engels conclut alors en disant :

« Et lorsque la Chine sera rattachée, alors il n'y pas que la dernière soupape de sécurité de la surproduction qui est fermée, mais il se produira également une émigration chinoise colossale, qui elle-même toute seule appellera une révolution dans les conditions de production de toute l'Amérique, l'Australie, l'Inde, et touchera peut-être aussi même l'Europe – si ici les choses continuent tel quel encore. »

L'immigration et l'émigration sont ainsi des formes sociales qui obéissent au mode de production capitaliste.

Ce ne sont pas des phénomènes à considérer de manière individuelle, en se fondant sur le point de vue psychologique de la personne émigrée/immigrée, ou bien en considérant que c'est un outil qui pourrait être employé par le capitalisme de manière raisonnée.

Émigration et immigration tiennent à la nature même de la gestion anarchique de la production à l'échelle mondiale, même si de manière dialectique, il existe un aspect positif, avec les cas de couples se formant au-delà des séparations nationales, obéissant à la loi de l'inéluctable regroupement général de l'humanité et du métissage.

Lénine, dans L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, écrit en 1916, analyse déjà la question de l'immigration dans le cadre des pays capitalistes. Il expose ce qui suit :

« Parmi les caractéristiques de l'impérialisme qui se rattachent au groupe de phénomènes dont nous parlons, il faut mentionner la diminution de l'émigration en provenance des pays impérialistes et l'accroissement de l'immigration, vers ces pays, d'ouvriers venus des pays plus arriérés, où les salaires sont plus bas (…).

En France, les travailleurs de l'industrie minière sont "en grande partie" des étrangers : Polonais, Italiens, Espagnols. Aux États-Unis, les immigrants de l'Europe orientale et méridionale occupent les emplois les plus mal payés, tandis que les ouvriers américains fournissent la proportion la plus forte de contremaîtres et d'ouvriers exécutant les travaux les mieux rétribués.

L'impérialisme tend à créer, également parmi les ouvriers, des catégories privilégiées et à les détacher de la grande masse du prolétariat. »

L'utilisation de main d'œuvre bon marché est un besoin du mode de production capitaliste ; l'immigration permet d'en disposer, et cela renforce également l'armée de réserve industrielle formée par les personnes au chômage, tirant alors les salaires vers le bas.

La situation de l'émigration et de l'immigration n'obéit pas à une planification, à une conception de l'utilisation rationnelle des forces sociales ; elle n'est là que pour les besoins du capitalisme, témoignant que les salariés ne font que vendre leur force de travail, n'étant qu'un aspect de la machinerie capitaliste.

Avec la chute tendancielle du taux de profit, l'irrationalisme de la bourgeoisie ne fait d'ailleurs que grandir et pressent la nécessité de disposer d'une main d'œuvre toujours moins chère, y compris par l'immigration toujours plus chaotique.

De la même manière, le renforcement généralisé de la classe ouvrière produit par le capitalisme avec sa surproduction de capital – c'est le second aspect de la crise, à côté de la chute tendancielle du taux de profit – amène un besoin toujours plus grand de main d'œuvre, et donc l'abaissement des obstacles à l'accès à cette main d'œuvre.

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