Existentialisme et pessimisme - 3e partie : le principe de la phénoménologie
Submitted by Anonyme (non vérifié)Il existe deux œuvres « classiques », au cœur du véritable mythe idéologique créé par la bourgeoisie autour de la phénoménologie. La première est Être et temps de l'allemand Martin Heidegger, la seconde est L'être et le néant de Jean-Paul Sartre.
Au début de son œuvre, Jean-Paul Sartre présente le principe de la phénoménologie. Il explique que lorsqu'on fait face à un phénomène, il ne faut rien voir de plus que le phénomène lui-même ; il n'y a rien « derrière ». Ce qui fait le phénomène est le phénomène lui-même.
Cela signifie, bien entendu, qu'il ne faudrait par exemple voir dans une grève qu'une grève, et non pas la lutte de classes comme essence de cette grève ; on voit aisément comment la « sociologie » s'appuie elle-même sur la phénoménologie afin de réduire les phénomènes à des choses isolées les unes des autres.
En apparence, la phénoménologie rejette tout idéalisme en prenant les phénomènes en tant que tel. En réalité, elle isole les phénomènes de leur arrière-plan.
Voici ce que dit Jean-Paul Sartre dès les toutes premières pages de son œuvre, qui consistent en une très violente charge contre le matérialisme dialectique.
« La pensée moderne a réalisé un progrès considérable en réduisant l'existant à la série des apparitions qui le manifestent. On visait par là à supprimer un certain nombre de dualismes qui embarrassaient la philosophie et à les remplacer par le monisme du phénomène.
[Au lieu de considérer avec le matérialisme dialectique l'univers comme « un » - c'est le monisme – c'est le phénomène qui est considéré comme unique chez Sartre.]
Il est certain qu'on s'est débarrassé en premier lieu de ce dualisme qui oppose dans l'existant l'intérieur à l'extérieur.
Il n'y a plus d'extérieur de l'existant, si l'on entend par là une peau superficielle qui dissimulerait aux regards la véritable nature de l'objet. Et cette véritable nature, à son tour, si elle doit être la réalité secrète de la chose, qu'on peut pressentir ou supposer mais jamais atteindre parce qu'elle est « intérieure » à l'objet considéré, n'existe pas non plus.
[En apparence, cela semble une critique de Kant qui sépare la chose en soi et la chose pour soi, disant qu'on ne peut pas atteindre le fond des choses. Au lieu d'affirmer qu'on peut découvrir ce « fond » : le mouvement de la matière, la phénoménologie nie l'existence de ce « fond ».]
Les apparitions qui manifestent l'existant ne sont ni intérieures ni extérieures : elles se valent toutes, elles renvoient toutes à d'autres apparitions et aucune d'elles n'est privilégiée.
La force, par exemple, n'est pas un conatus métaphysique et d'espèce inconnue qui se masquerait derrière ses effets (accélérations, déviations, etc.) : elle est l'ensemble de ces effets.
Pareillement le courant électrique n'a pas d'envers secret : il n'est rien que l'ensemble des actions physico-chimiques (électrolyses, incandescence d'un filament de carbone, déplacement de l'aiguille du galvanomètre, etc.) qui le manifestent. Aucune de ces actions ne suffit à le révéler. Mais elle n'indique rien qui soit derrière elle: elle indique elle-même et la série totale.
[En apparence, la phénoménologie rejette le principe d'énergie au caractère mystique. En réalité, elle sépare les phénomènes les uns des autres, disant juste qu'ils sont du même type.]
Il s'ensuit, évidemment, que le dualisme de l'être et du paraître ne saurait plus trouver droit de cité en philosophie (…). L'être d'un existant, c'est précisément ce qu'il paraît (…). Ce qu'il est, il l'est absolument, car il se dévoile comme il est. Le phénomène peut être étudié et décrit en tant que tel, car il est absolument indicatif de lui-même (…).
[Le phénomène n'a pas un contenu universel, telle la lutte des classes, la biosphère, etc., selon la phénoménologie il existe de manière indépendante du reste, étant simplement ce qu'il est et rien d'autre.]
L'apparence ne cache pas l'essence, elle la révèle : elle est l'essence. »
Ainsi, la phénoménologie nie l'existence d'une essence aux phénomènes : chaque phénomène existe en lui-même. C'est pour cela qu'aucun système de pensée ne peut être construit, tout au plus peut-on ici assembler les phénomènes par ressemblance.
C'est ce que font les post-modernes au début du XXIe siècle, considérant isolément des phénomènes racistes, sexistes, et cetera, et cetera... pour non pas répondre par un projet positif, mais un rejet de chaque phénomène pris isolément, d'où l'inflation des « anti » à l'infini (contre le racisme, le sexisme, l'agisme, le validisme, et cetera, et cetera...).