12 mai 2013

La révolution française (1789-1871) - 1ère partie: la monarchie absolue comme étape historique

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Le point de vue communiste concernant la période de la monarchie absolue est connu et facile à comprendre. Néanmoins, il est important de le rappeler en préambule à l'histoire de la révolution française qui s'étale de 1789 à 1871.

Pour les communistes, qui s'appuient de fait sur le matérialisme historique, l'histoire est l'histoire de la lutte des classes et chaque palier historique marque la transformation d'un mode de production.

La monarchie absolue est une phase de transition très particulière dans la lutte entre l'aristocratie et la bourgeoisie. L'aristocratie maintient ses positions et domine la société, notamment au moyen du clergé. Cependant, les villes se sont développées, le commerce s'est élargi, l'industrie se développe, même si elle s'appuie surtout sur l'artisanat.

De ce rapport nouveau entre aristocratie et bourgeoisie sort un régime nouveau : la monarchie absolue. La monarchie absolue est, selon le matérialisme historique, un régime progressiste à son apparition.

Karl Marx, qui a largement rendu explicite son point de vue dans La critique moralisante et la morale critique (1847), explique :

« L'historiographie moderne a démontré que la monarchie absolue fait son apparition dans les périodes de transition, où les vieux ordres féodaux déclinent et où l'ordre des bourgeois, l'état bourgeois, se transforme progressivement en classe bourgeoise moderne, devient la classe bourgeoise, sans qu'un des partis en lutte ait encore pu venir à bout de l'autre.

Les éléments sur lesquels s'édifie la monarchie absolue ne sont, par conséquent, nullement son produit ; ils en constituent plutôt la prémisse sociale. »

Avec la monarchie absolue, la bourgeoisie se voit reconnaître son existence, en tant qu'état, le fameux « tiers-état ». Dans les conditions sociales où les villes se sont développées, avec un pouvoir économique et militaire, culturel et idéologique, l'aristocratie ne peut plus maintenir aussi simplement sa domination et le nouvel équilibre donne la monarchie absolue.

Dans le régime de la monarchie absolue, la bourgeoisie influe sur les décisions du régime. C'est ce qui explique, sous le régime de Louis XIV, la cohabitation culturelle auprès du roi de l'idéologie aristocratique avec la tragédie (Racine, Corneille) et de l'idéologie bourgeoise avec la comédie (Molière).

C'est ce phénomène qui donne naissance aux « despotes éclairés », dont des figures connues sont Frédéric II de Prusse, Catherine II de Russie, Charles III d'Espagne, Marie-Thérèse et Joseph II d’Autriche.

Néanmoins, ce « despotisme éclairé » était forcément extrêmement limité historiquement, puisque le roi pouvait bien sûr s'opposer à la noblesse bloquant le progrès technique et économique, sans pour autant aller jusqu'à abolir celle-ci, ce qui était pourtant nécessaire.

Cela fait que rapidement, historiquement, la monarchie absolue prend un caractère réactionnaire, après avoir épuisé sa dimension progressiste.

Karl Marx constate ainsi ce retournement en son contraire de la nature de la monarchie absolue :

« Lorsque les conditions de vie matérielles de la société se sont développées jusqu'à un point point où la transformation de son organisation politique officielle est devenue pour elle une nécessité vitale, toute la physionomie de l'ancienne puissance politique subit un changement.

Ainsi la monarchie absolue, au lieu de centraliser – et c'était là son activité civilisatrice proprement dite – tente-t-elle de décentraliser. Issue de la défaite des ordres féodaux, participant elle-même très activement à leur destruction, elle tâche de sauvegarder ne fût-ce que l'apparence des distinctions féodales.

 

Ayant jadis favorisé le commerce et l'industrie, donc simultanément l'essor de la classe bourgeoise, comme autant de conditions nécessaires de la puissance nationale ainsi que de sa propre splendeur, la monarchie absolue fait, désormais et partout, obstacle au commerce et à l'industrie, qui sont devenus des armes de plus en plus dangereuses entre les mains d'une bourgeoisie déjà puissante.

De la ville, berceau de son élévation, elle jette un regard angoissé et terni sur la campagne qu'ont engraissés les cadavres de ses anciens adversaires à la taille de géant. »

Karl Marx rend ici très claire la situation, à la lumière de la contradiction entre villes et campagnes, entre travail manuel et travail intellectuel.

La bourgeoisie, se renforçant, prête à la monarchie absolue pour ses projets, qui la servent indirectement. La sphère financière de la bourgeoisie prend ainsi de plus en plus le dessus, contrôlant par les prêts bancaires l'orientation de la monarchie absolue.

Mais le passage d'une monarchie absolue à une domination bourgeoise absolue étant impossible, puisque la bourgeoisie a différents secteurs qui ont intérêt au libéralisme et non pas à une alliance unilatérale avec la monarchie absolue voire l'aristocratie (sauf si le processus se déroule trop tardivement et que la classe ouvrière est déjà trop avancée, trop forte, forçant alors comme en Allemagne à une alliance aristocratie – bourgeoisie).

Karl Marx a lourdement averti sur l'erreur qui consisterait à penser que la révolution bourgeoise pourrait se transformer en révolution prolétarienne, simplement parce que le prolétariat participe à la révolution bourgeoise.

Le prolétariat ne peut réaliser les exigences historiques de la révolution bourgeoise que dans des situations historiques où la bourgeoisie est faible et en retard, et où la classe ouvrière dirige le processus. C'est le sens de la révolution de nouvelle démocratie formulée par Mao Zedong, dans le prolongement par ailleurs de la révolution de février 1917 en Russie.

En France, le prolétariat n'était pas du tout assez développé, la bourgeoisie elle très forte, comme nous le verrons. Karl Marx notait à juste titre, en 1847 donc, que :

« Si donc le prolétariat renverse la domination politique de la bourgeoisie, son triomphe ne sera que passager, ne sera qu'un facteur au service de la révolution bourgeoise elle-même, tout comme en l'an 1794, tant que, dans le cours de l'histoire, dans son « mouvement », ne sont pas créees les conditions matérielles qui rendent nécessaire l'abolition du mode de production bourgeois et, par conséquent, la chute définitive de la domination politique bourgeoise.

C'est pourquoi le régime de la Terreur ne devait servir en France qu'à faire disparaître comme par enchantement, sous ses puissants coups de marteau, les ruines féodales du sol français.

Timorée et conciliante comme elle l'est, la bourgeoisie ne fût pas venue à bout de cette besogne même en plusieurs décennies. Par conséquent, l'action sanglante du peuple n'a fait que lui préparer les voies.

De même, la chute de la monarchie absolue ne serait que momentanée, si les conditions économiques voulues pour la domination de la classe des bourgeois n'étaient pas encore parvenues à maturité.

Les hommes se construisent un monde nouveau, non pas au moyen de « biens terrestres », comme le croit la superstition grossière, mais grâce aux conquêtes historiques faites par leur monde, qui est en train de sombrer. Au cours de leur évolution, ils doivent d'abord produire aux-mêmes les conditions matérielles d'une nouvelle société, et nul effort de l'esprit ou de la volonté ne peut les libérer de cette destinée. »

C'est justement la faiblesse de la bourgeoisie après sa victoire de 1848 qui amènera la période particulière où régnera Napoléon III.

Karl Marx a ainsi souligné que la monarchie absolue a joué un rôle progressiste, que la bourgeoisie a joué un rôle progressiste, que le prolétariat a donc soutenu le mouvement de la bourgeoisie, mais sans qu'il faille se faire des illusions à ce sujet.

Karl Marx explique :

« Les travailleurs savent fort bien que la bourgeoisie est obligée non seulement de leur faire des concessions politiques plus larges que ne le fait la monarchie absolue, mais qu'au service de son commerce et de son industrie, elle fait naître, contre son gré, les conditions favorables à l'union de la classe laborieuse, et cette union des travailleurs est la première condition de leur victoire.

Les travailleurs savent que la suppression des rapports de propritété bourgeois ne peut être obtenue si l'on maintient les rapports féodaux.

Ils savent que le mouvement révolutionnaire de la bourgeoisie contre les ordres féodaux et la monarchie absolue ne peut qu'accélerer leur propre mouvement révolutionnaire. Ils savent que leur propre lutte contre la bourgeoisie ne pourra débuter que le jour où la bourgeoisie aura triomphé. [...]

Ils peuvent, ils doivent prendre à leur compte la révolution bourgeoise comme une condition de la révolution des ouvriers. Mais ils ne peuvent la considérer un seul instant comme leur but final. »

Les communistes comprennent qu'il existe des étapes historiques, que chaque étape anéantit le stade précédent en l'assimilant de manière dialectique. Aux yeux des communistes regardant l'histoire de France, tant la monarchie absolue que la révolution bourgeoise ont été des phénomènes historiques progressistes.

Le regard porté sur l'histoire de France allant de 1789 à 1871 ne peut se fonder que sur le point de vue de Karl Marx :

« Toute évolution, quel que soit son contenu, peut être présentée comme une série de divers degrés d'évolution qui sont reliés de maière que l'un d'eux constitue la négation de l'autre.

Quand, par exemple, un peuple évolue de la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle, il nie son existence politique antérieure. En aucun domaine, on ne peut traverser une évolution sans nier son mode d'existence antérieur. »

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