12 mai 2013

La révolution française (1789-1871) - 6ème partie : la période de restauration

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La restauration de la monarchie se déroule dans un contexte particulier. Napoléon est mis en échec et la restauration se met en place à la mi-1814. Mais, en mars 1815, Napoléon tente un retour qui est un succès, jusqu'à la défaite de Waterloo en juin 1815. La restauration royale se remet alors en place.

Ainsi, dès le départ, il y a le conflit entre deux systèmes idéologiques. La révolution française avait pris, comme Karl Marx l'a expliqué, inspiration dans la Rome républicaine antique. Le caractère de classe de Napoléon Bonaparte est parfaitement visible quand on voit qu'il a prolongé cette idéologie qui a été appelé « néo-classique ». Napoléon, « consul » devenant « empereur », est en fait surtout un César à la romaine pour son inspiration.

L'importance de cette idéologie tient à la formation nationale. Napoléon a été le jouet des tâches historiques bourgeoises d'unification du pays. Karl Marx affirme ainsi :

« La première Révolution française, qui se donna pour tâche de briser tous les pouvoirs indépendants, locaux, territoriaux, municipaux et provinciaux, pour créer l'unité civique de la nation, devait nécessairement développer l'œuvre commencée par la monarchie absolue : la centralisation, mais, en même temps aussi, l'étendue, les attributs et l'appareil du pouvoir gouvernemental.

Napoléon acheva de perfectionner ce mécanisme d’État. La monarchie légitime et la monarchie de Juillet ne firent qu'y ajouter une plus grande division du travail, croissant au fur et à mesure que la division du travail, à l'intérieur de la société bourgeoise, créait de nouveaux groupes d'intérêts, et, par conséquent, un nouveau matériel pour l'administration d’État. »
(Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte)

Le néo-classicisme était ainsi l'idéologie de la révolution française, qui se voyait donner naissance à une nouvelle Rome républicaine. Les bâtiments néo-classiques ont des colonnes et des frontons, pour « recréer » l'atmosphère historique d'une époque idéalisée et utilisée pour les temps présents. Napoléon ne fait pas autre chose avec son arc de triomphe sur la place de l’Étoile à Paris.

Un grand représentant de cette idéologie est l'architecte Étienne-Louis Boullée (1728-1799), qui a été notamment théoricien et professeur à l'École Nationale des Ponts et Chaussées. Il se situe dans la tradition classique mais y ajoute une épuration complète et une pure fascination pour la géométrie, ainsi que les dimensions spatiales les plus grandes qui soient, le tout pour célébrer les valeurs des Lumières.

Étienne-Louis Boullée a produit une architecture religieuse dans le sens rousseauiste, expression des besoins de la bourgeoisie et de sa prétention à être le seul classicisme final. C'est également le sens du projet de cénotaphe (un bâtiment honorifique) pour Isaac Newton, consistant en une sphère de 150 mètres de diamètre.

Lors de la Restauration, l'aristocratie n'avait donc plus les moyens de revenir à l'esprit de la monarchie absolue à son apogée, avec Louis XIV. Elle n'en avait, de toutes manières, plus l'aspect progressiste et, qui plus est, son ennemi, l'idéologie des Lumières, puisait déjà dans l'humanisme.

Il lui fallait par conséquent mettre en avant un idéal d'avant l'humanisme, et cela sera le moyen-âge, célébré par le romantisme. Le véritable romantisme originel était une idéalisation bourgeoise allemande du moyen-âge, afin de contrer le formalisme académique du classicisme de Louis XIV et ses références gréco-romaines étrangères en très grande partie à l'histoire des tribus germaniques.

L'invasion napoléonienne a fait s'unir bourgeoisie et aristocratie allemandes. Le romantisme a été utilisé comme démarche idéologique par l'aristocratie allemande unifiant le pays par en haut. L'aristocratie française reprend directement le style, avec une cohorte d'intellectuels à son service : Chateaubriand et Hugo en étant les plus célèbres sur le plan de la littérature.

Mais l'aristocratie ne se contente pas de littérature. Le romantisme, dans sa variante réactionnaire, s'exprime également sur le plan intellectuel. Joseph de Maistre en est le plus illustre, le plus fanatique dans la mise en avant du corps social comme devant rejeter la démocratie et ses exigences individuelles, au profit de la théocratie pure et simple. A ses côtés, on trouve Louis de Bonald, qui pareillement prône le traditionalisme le plus complet.

La religion catholique est au cœur de l'identité « nationale » fictive inventée pour les besoins de la restauration. L’Église d'ailleurs lance des grandes campagnes de reconquête des masses (prêches, consécration à la Vierge, procession dans les cimetières...), montre un soutien ouvert aux superstitions les plus « populaires » et entreprend une relance, grâce au soutien de l’État, de la formation du personnel religieux.

Joseph de Maistre, Louis de Bonald et François-René de Chateaubriand forment le triptyque principal de la conception réactionnaire faisant du moyen-âge le modèle social indépassable. Ce point de vue est également à la base du point de vue « régionaliste », car s'opposant au jacobinisme et à la révolution en tant que processus unificateur. L'idéal réactionnaire, finalement, revient au stade social avant même la monarchie absolue.

De fait, le moyen-âge idéalisé comme monarchie sociale fait partie du plan de la réaction monarchiste internationale qui réinstalle la royauté en France suite à la défaite finale de Napoléon à Waterloo en 1815. Les rois Louis XVIII et Charles X, frères de Louis XVI, tentent de relancer la royauté sur la base la plus dure qui soit. Charles X expliquait ainsi

« J'aimerais mieux scier du bois que d'être roi aux conditions du roi d'Angleterre. »

Le régime est par conséquent porté par l'aristocratie traditionnelle, propriétaire de terres, mais également de la bourgeoisie la plus conservatrice, propriétaire terrienne, s'étant développé à l'ombre de la monarchie absolue et sans chercher à s'imposer elle-même.

Cela se lit parfaitement dans le personnel de la chambre des députés : à 40 % il s'agit de propriétaires terriens membres de l'aristocratie, le reste étant composé de propriétaires terriens bourgeois, ainsi que de hauts fonctionnaires.

Les élections sont, en effet, parfaitement encadrées. Le droit de vote est lié au fait de payer des impôts : il faut payer au moins 300 francs. Quant à être candidat, il faut payer au moins 1000 francs. Et dans tout cela n'est également pas prise en compte la patente que payent les industriels et les commerçants.

Le personnel politique est composé de 16 000 nobles et, en 1824, il y a 19 opposants libéraux sur 430 membres. La loi dite « Loi du milliard » promulguée le 28 avril 1825 indemnise également en partie 50 000 anciens propriétaires de biens devenus nationaux par des rentes qui représentent au total 630 millions de francs de l'époque.

Cependant, les conditions politiques du retour de l'aristocratie étaient dues à la défaite de Napoléon seulement, et l'effondrement fut rapide. Et la réorganisation des forces bourgeoises libérales fut rapidement effective.

Rien qu'en 1827, les libéraux obtiennent déjà 250 sièges contre 200 pour les ultras.

En 1828, la majorité parlementaire réactionnaire fut renversée et rejeta le ministère Polignac nouvellement formé. Polignac était un ultra-royaliste, qui avait fait partie sous Napoléon de la société secrète des Chevaliers de la Foi, comme d'ailleurs Chateaubriand ou encore Villèle, justement premier ministre de 1821 à 1828.

Le roi Charles X proposa la dissolution, mais la nouvelle assemblée fut également libérale. Le roi organisa un coup d'état avec les Ordonnances du 26 juillet, réorganisant en sa faveur le droit de vote et suspendant la liberté de la presse.

La réaction libérale fut immédiate et le régime s'effondra lors de la révolution de juillet 1830, les 27, 28 et 29 juillet qui furent appelées les Trois Glorieuses. Un nouveau roi arrive, Louis-Philippe, et Karl Marx constatera alors :

« Sous Louis-Philippe, la bourgeoisie commerçante exclut la bourgeoisie foncière. »
(Le 18 brumaire de Louis Bonaparte)