Kautilya, Machiavel, Richelieu et Mazarin - 7e partie : les Maximes du cardinal de Richelieu
Submitted by Anonyme (non vérifié)Le cardinal de Richelieu, figure marquante de la monarchie absolue, a synthétisé son expérience dans des « Maximes ». Il s'agit par conséquent d'un ouvrage capital, et il est surprenant que cette œuvre ne se retrouve nulle part, même pas sur internet.
Le commentaire des Maximes du cardinal de Richelieu devrait faire obligatoirement partie de l'éducation scolaire, afin de comprendre les tenants et aboutissants du régime historique de la monarchie absolue.
Sans cela, on en revient à une lecture de ce régime comme étant une tyrannie, la domination d'un individu. Or, en réalité, la monarchie absolue relève de la contradiction au sein de la monarchie, et marque le triomphe des forces progressistes sur les forces réactionnaires, au sein même de la féodalité.
Richelieu expose ainsi, dans ses Maximes, la valeur de l'expérience pratique, la nécessité d'appréhender les phénomènes en les évaluant ; tout cela relève de l'averroisme politique.
Richelieu exprime d'ailleurs la position du ministre principal ; il fait donc la même chose que le ministre ayant écrit l'Arthashastra en Inde antique. Et il souligne forcément la nécessité qu'a le monarque de déléguer des tâches à un personnel efficace ; de fait, avec la monarchie absolue, apparaît l'administration moderne.
On comprend dans quelle mesure cette exigence du raisonnable se heurte directement avec la féodalité qui revendique l'hérédité comme seul critère.
C'est en ce sens qu'il faut comprendre les appels incessants de Richelieu en faveur d'une vie réglée. Lorsque Louis XIV mène une vie réglée comme une horloge à Versailles dont le rythme est également réglé de la même manière, cela est censé permettre une affirmation de civilisation, d'ordre.
Il y a donc deux valeurs : la raison et l'ordre. Les Maximes du cardinal de Richelieu commence ainsi de la manière suivante :
« Si vivre en oisiveté n'est pas vivre, et beaucoup plus, si vivre dans le vice est mourir, qui se peut vanter de vivre l'espace d'une année entière en ce monde, consommant, comme nous le faisons, cette partie du temps à ne rien faire, et presque tout à faire autre chose que ce que nous devons ?
Nul ne peut quasi prétendre cet espace de vie. »
Et Richelieu affirme également :
« Le dérèglement de la conscience est la vraie source de toutes les imperfections de l'homme. »
« La lumière naturelle fait connaître à un chacun que l'homme ayant été fait raisonnable, il ne doit rien faire que par raison, puisque autrement il ferait contre sa nature, et par conséquent contre celui même qui en est l'auteur. »
Ce n'est pas tout. Richelieu fait également triompher la raison au sein de tout le régime ; il ne se contente pas de l'administration, il considère que toute la division du travail au sein du régime peut directement se fonder sur une attitude raisonnable et une compréhension de la valeur de celle-ci.
Par conséquent, le véritable roi est celui qui joue sur la raison ; Richelieu explique ainsi :
« L'autorité contraint à l'obéissance, mais la raison y persuade, et il est bien plus à propos de conduire les hommes par des moyens qui gagnent insensiblement leur volonté, que par ceux qui, le plus souvent, ne les font agir qu'en tant qu'ils forcent. »
Cela rentre en contradiction ouverte avec la féodalité qui est fondée sur la violence de la noblesse et de ses chevaliers sur la paysannerie. Richelieu en était bien sûr conscient, et il le dit même :
« C'est un défaut assez ordinaire à ceux nés dans la noblesse d'user de violence contre le peuple à qui Dieu semble plutôt avoir donné des bras pour gagner sa vie que pour la défendre. »
Ainsi, la monarchie absolue n'a nullement été un régime simplement « despotique », une sorte d'excroissance ultra-autoritaire de la féodalité. La monarchie absolue est née dans la féodalité, mais déjà contre elle, parce qu'elle portait en elle l'exigence de passer à un niveau supérieur.
La manière de gouverner du roi dans la monarchie absolue n'est pas « personnelle », mais étatique, et déjà nationale parce que les éléments présents dans l'économie que dans la superstructure idéologique, par l'averroïsme politique, par l'exigence de la rationalité.
Ce que Richelieu pose avec ses Maximes, c'est le triomphe de la raison dans la gouvernance ; par là même, c'est une déclaration de guerre aux manières féodales et leur irrationalité. C'est ainsi Louis XIII, dont le ministre fut Richelieu, qui décida de mettre un terme à l'autorisation des duels.
Par la suite, ce sont onze édits qui furent rendus sous Louis XIV contre les duellistes (1643, 1644, 1646, 1651, 1653, 1668, deux en 1679, 1704, 1711).
La fin officielle du duel mettait un terme à la primauté de la dignité individuelle aristocratique, et annonçait la soumission à l'efficacité étatique.
Un contre-exemple à cela dans le passé fut par exemple le duel, à la veille même de la bataille de Poitiers en 1356 face aux Anglais, entre le maréchal de Clermont et Jean Chandos, avec comme cause le fait que chacun avait dans leurs armes respectives la même « Dame d'azur au soleil rayonnant ».