10 mai 1935

Pour la paix, pour la Révolution - Maurice Thorez (mai 1935)

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Maurice Thorez, mai 1935

Lénine en 1918 avait dit : « Si le socialisme ne triomphe pas à travers l'Europe, la paix entre les capitalistes ne sera qu'une trêve, qu'une interruption dans la préparation d'un carnage plus terrible encore ». Nous avons entendu l'appel de Lénine, nous nous sommes engagés sous le drapeau de la IIIè Internationale, et d'une façon constante, passionnée, nous avons fait depuis 1918-1919 retentir inlassablement notre appel à la lutte contre la guerre, pour la paix, et c'est maintenant que dans tout le pays, les travailleurs stupéfaits, épouvantés, reconnaissent combien notre Parti communiste avait eu raison.

Ce ne serait plus seulement la guerre pour la population masculine valide, pour les hommes en état de porter les armes ; ce serait la guerre totale, comme disait M. Paul Boncour, au temps où il était encore socialiste et où il faisait voter par le Parlement sa loi de mobilisation intégrale.

Une telle guerre nous ne voulons pas la connaître. Nous ne voulons pas de l'anéantissement de tout un peuple.

C'est pourquoi nous avons lutté avec un tel acharnement, avec une telle passion depuis 20 années.

Notre Internationale communiste est née dans la guerre, contre la guerre. Nous n'avons pas ralenti l'effort un seul instant, même au lendemain de la prétendue paix.

Il faut se souvenir de notre campagne ardente contre la Ruhr en 1923, de notre lutte contre la guerre du Maroc en 1925, du 1er août 1929, quand on se moquait de nous, quant aux injures on ajoutait la calomnie, lorsque certains disaient : « Mais, peut-être les communistes désirent-ils la guerre pour faire la révolution ? » Pourtant, nous avions raison, nous avions raison contre tous, et nous avions raison il y a trois années, en 1932, de répondre les premiers à l'appel émouvant de Romain Rolland et de Henri Barbusse, d'aller à ce grand congrès d'Amsterdam contre la guerre et de donner avec coeur toutes les forces de notre Parti pour contribuer au développement du puissant mouvement d'Amsterdam Pleyel. Toujours nous avons lutté pour la paix et plus que jamais maintenant nous voulons lutter pour la paix. Comment échapper à la guerre ? Telle est la question.

Où est le danger actuellement ?Les thèses adoptées par le XIIIe Exécutif de l'I.C., à y a 16 mois disaient, après avoir constaté que l'Europe est devenue une poudrière qui peut exploser à tout moment :

« C'est le gouvernement fasciste d'Allemagne, principal instigateur de guerre en Europe qui provoque le trouble a Dantzig, en Autriche, dans la Sarre, les Pays Baltes. »

Nous avons dit cela il y a 16 mois. Cela n'est plus seulement notre opinion maintenant. Nous avons lu, avec beaucoup de satisfaction l'appel de l'I.O.S. Paru dans le Populaire il y a quelques jours, qui déclare elle aussi :« En Europe c'est de l'Allemagne de Hitler que vient le danger d'une explosion guerrière ».

Les communistes moins que tout autre peuvent méconnaître la réalité du réarmement de l'Allemagne hitlérienne.

Les communistes font seulement observer que la plus lourde responsabilité incombe au gouvernement de la bourgeoisie française, à ceux qui n'ont pas désarmé en 1918 et en 1919, par crainte de la Révolution, à ceux qui se souvenant du service rendu par Bismarck à Thiers en 1871, renvoyant les armées de Sedan et de Metz pour étrangler nos grandspères, les Communards, ont donné le droit à la bourgeoisie allemande de posséder une armée de métier de 100.000 hommes, portée à 200.000 plus 100.000 policiers.

C'est la bourgeoisie française avec son criminel Traité de Versailles qui porte la première et la plus lourde des responsabilités dans le réarmement actuel de l'Allemagne.

Mais, si telle est maintenant la situation, que faut-il faire ?Il faut faire entendre à Hitler qu'en cas d'agression sur un point quelconque de l'Europe, il trouverait contre lui tous les peuples décidés à maintenir la paix. C'est le seul moyen d'échapper encore à la guerre.

Il y a un malfaiteur dangereux qui se promène à travers l'Europe le couteau en mains, qui veut jouer du revolver à chaque coin de rue, il faut le mettre hors d'état de nuire, en lui faisant comprendre que si jamais il déclenche l'agression, il trouverait tout le monde contre lui. Alors peut-être réfléchira-t-il, peut-être comprendra-t-il que la partie est inégale.

Sinon, si l'on ne veut pas signer le pacte d'assistance mutuelle, si l'on ne veut pas faire cette déclaration, si nette, si claire, si ferme, si Hitler peut croire qu'il trouverait, surtout en cas d'agression contre le pays des Soviets, les encouragements ou la neutralité bienveillante des impérialistes anglais et de ceux qui, en France, rêvent d'instaurer un régime de fascisme hitlérien, alors son audace ne connaîtrait plus de bornes, alors il déclencherait la guerre.

Et s'il déclenche la guerre sur un point quelconque de l'Europe, ce serait toute l'Europe mise à feu et à sang !

Si par malheur l'Union soviétique pouvait succomber à une agression du fascisme, si les fascistes pouvaient triompher, alors, plus de bornes au déchaînement de la brutalité, plus de frein à la répression, à l'exploitation ; alors c'est l'Europe encore une fois à feu et à sang, alors c'est l'ensemble des peuples plongé dans un abîme de misères et de souffrances indicibles.

Il faut que chacun s'étant rendu compte de cette vérité fasse l'effort maximum pour empêcher la guerre !

Et c'est ici que nous formulons notre reproche capital contre Laval, contre sa politique d'atermoiement, contre sa politique de ruses subalternes, qui put peut-être permettre à un aventurier de parcourir une carrière électorale, mais qui devient extrêmement dangereuse quand on est appelé à diriger la politique étrangère de tout un pays ! C'est pourquoi nous nous dressons contre sa politique équivoque, qui a pour résultat d'encourager Hitler et de favoriser les plans criminels de Hitler.

Laval conduit par sa politique à la guerre !

C'est d'ailleurs ce que pense déjà une partie de la presse bourgeoise elle-même, notamment les journaux radicaux.

Et voilà que précisément, dans cette politique, le renégat Laval a trouvé un porte-parole dans le renégat Doriot.

C'est Doriot, qui maintenant, donne le ton à la campagne anticommuniste et antisoviétique dans le pays. Il prétend que désormais, les communistes ont changé, qu'ils sont devenus les défenseurs de l'odieux traité de Versailles et que le danger principal de guerre, c'est l'Internationale communiste.

Nous les communistes nous avons été les premiers à protester contre Versailles.

Il y a encore quelques semaines, à la tribune de la Chambre, développant la politique de notre parti, j'expliquais que le réarmement de l'Allemagne consacre la condamnation de la politique de spoliation qu'exprimait le traité de Versailles et contre laquelle les communistes n'ont cessé de protester.

C'est nous qui dans le Manifeste récent des dix partis communistes de France, d'Angleterre, d'Allemagne, de Pologne, etc. Disions : « Nous avons, sous la direction de l'I.C. mené côte à côte avec les travailleurs allemands, une lutte incessante contre le traité de brigandage de Versailles. Nous avons lutté et nous continuerons de lutter contre toute fixation des frontières par la force des armes ». Litvinof, parlant au nom du gouvernement des Soviets, disait à la tribune du Conseil de la Société des Nations à Genève que :« Notre attitude n'est aucunement une justification du traité de Versailles », mais ce contre quoi nous avons toujours été, c'est contre une nouvelle guerre, sous prétexte de réviser les frontières arbitrairement dévolues par Versailles pour en créer d'autres aussi arbitraires. Nous ne croyons d'ailleurs pas à la possibilité pour les capitalistes se lançant dans la guerre, d'assurer un règne de paix et de justice. L'exemple de 1418 nous suffit. C'est la classe ouvrière au pouvoir, ce sont les Soviets qui supprimeront toutes les frontières et assureront la paix.

La politique de paix de l'Union soviétique, elle a été constante, inébranlable et inaugurée par l'immortelle radio de Lénine, lancée le 8 novembre 1917, dès le lendemain de l'insurrection victorieuse, de la prise du pouvoir, lequel déclarait au monde :« La paix sans aucune contribution, sans annexion ».

Les bolcheviks ont refoulé toutes les invasions qui s'étaient produites sur leur territoire, mais jamais ils n'ont fait une guerre de conquête ;ils n'ont jamais pris le moindre pouce du territoire qui ne leur appartenait pas ; au contraire, ils ont donné les libertés nationales à beaucoup de petits peuples, hier subjugués par le tsarisme. L'Union soviétique avait besoin de paix pour consolider le pouvoir ouvrier ; l'Union soviétique a besoin de paix pour poursuivre victorieusement l'oeuvre d'édification socialiste, pour continuer à être « le seul pays en progrès », ainsi que le déclarait le radical Herriot au Congrès de son parti.

Mais sa volonté inflexible de paix, déjouant toutes les provocations, est aussi une manifestation du plus pur internationalisme et de la solidarité de l'U.R.S.S. Avec tous les peuples du monde, eux aussi, attachés à la paix.

C'est pourquoi, succédant à ses multiples propositions de désarmement, sans cesse repoussées par la bourgeoisie et on ne peut oublier que les porte parole du gouvernement français ont été il y a quelques années contre les propositions de désarmement de l'Union soviétique, Paul Boncour et Jouhaux elle formule aujourd'hui ses propositions de conventions d'assistance mutuelle. Quelle calomnie atroce est contenue dans ces lignes de Doriot :« La pensée de Staline, c'est construire le socialisme en l'emportant à la pointe des baïonnettes qui seraient rougies du sang des prolétaires ». Le renégat n'hésite devant aucune contradiction. Un jour, il accuse les bolchéviks d'avoir renoncé au socialisme, d'avoir renoncé à une politique internationale, le lendemain il les accuse de vouloir porter le socialisme à la pointe des baïonnettes.

C'est une calomnie aussi vieille que notre Parti. Elle avait été lancée en 1919 et en 1920 au moment où Weygand dirigeait l'armée polonaise contre l'Union soviétique, déjà les renégats disaient en France : «Lénine veut porter le socialisme en Europe à la pointe des baïonnettes de l'Armée rouge».

Mais là encore, il exécute les ordres de Laval, car c'est Laval qui le 6 avril, dans le moment où toute la presse, même bourgeoise, se remplissait d'éloges à l'égard du camarade Staline, dont on découvrait soudain ce qui nous faisait sourire, nous, communistes les grandes qualités, le génie incomparable, qui faisait écrire dans son journal Juvénal : « Staline, c'est un rustre à peine dégrossi, c'est un homme qui connaît seulement le géorgien et même pas le russe. Il est bien incapable de s'occuper des problèmes de politique extérieure ». Il faut montrer que si quelqu'un a fait autrefois de telles propositions, que si quelqu'un a voulu autrefois mener une telle politique, ce quelqu'un, c'est l'ami de Doriot, c'est Trotsky, qui, en 1918, ne voulait pas conclure la paix et voulait continuer la guerre, et qui, en 1923 parlait de traverser la Pologne et de se lancer dans une provocation qui eut pu faire périr l'Union soviétique !

Nous défendons l'intérêt et la volonté du peuple de France, l'intérêt et le désir de tous les peuples et du peuple de l'Union soviétique en particulier.

C'est parce que nous aimons notre pays, que nous voulons, le plus vite possible, le débarrasser de ceux qui veulent le plonger dans la honte et dans la barbarie du fascisme, de ceux qui veulent le conduire à la guerre, à la catastrophe !

Nous, nous voulons sauver les peuples de notre pays et d'ailleurs. Nous, que l'on accuse d'être des espions, d'être des traîtres au pays,nous voulons arracher le masque de ces faux patriotes qui, eux aussi, cultivent des traditions : les traditions de M. Le colonel comte Casimir de La Rocque et de son arrière grandpère, colonel à l'armée du roi de Prusse et des émigrés de Coblentz, contre les révolutionnaires de 1793 !

Nous dénonçons ceux, qui, dans notre pays, agiraient comme les nobles, comme les féodaux de 1793, comme les gardes blancs russes de 1917.

Comme ceux, qui ici à Paris ou à Berlin, ou là bas en Mandchourie rêvent de s'engager derrière les capitalistes dans une guerre menée contre les ouvriers et les paysans de leur pays !

Car ce qu'ils aiment les bourgeois de France, les fascistes de France, comme les gardes blancs chassés par les ouvriers et les paysans de l'Union soviétique, ce n'est pas leur pays, ce n'est pas le patrimoine culturel que nous ont légué des générations de travailleurs de France, ce qu'ils aiment ce sont leurs privilèges.

Ce qu'ils voudraient retrouver tous ces grands ducs, ces princes, ces grands propriétaires dépossédés par les ouvriers et les paysans de l'Union soviétique, ce sont les profits, ce serait la possibilité à nouveau de faire suer le moujik sur les terres exploitées à leur compte.

Jamais ils n'auront cela ! Et nous, quand nous proclamons notre amour du pays, nous avons le droit et nous avons le devoir de dire : la meilleure façon de défendre son pays, c'est de se souvenir de l'appel de Karl Liebknecht, c'est de battre l'ennemi dans notre propre pays. Union sacrée dit Doriot ! Alors que nous luttons de toutes nos forces contre la guerre. Lui, qui est déjà dans la politique du gouvernement de France, lui qui fait déjà l'Union sacrée, lui qui s'est déjà abstenu dans le vote sur la défense passive, c'est lui qui trouve que nous ne bataillons pas assez contre les deux ans !

Singulière impudence ! Que ne demande-t il à ceux qui parfois le suivent d'accepter vivement toutes les propositions des communistes pour intensifier la lutte contre les deux ans et contre la préparation de la guerre ?

Nous proclamons avec une brutale franchise, avec toute l'ardeur de nos coeurs de prolétaires et de révolutionnaires, QUE NOUS FERONS TOUT POUR EMPÊCHER LE DÉCLENCHEMENT DE LA GUERRE.

Duclos a ajouté à SaintDenis :«.Si malgré tous nos efforts la guerre éclatait néanmoins, nous, nous ne serons pas des déserteurs, nous entrerons dans la guerre ». Et Doriot de s'écrier et de faire crier par les malheureux qui le suivent encore : « Sac au dos ! » Voilà les instructions de Lénine à la délégation de La Haye en 1923 : « Le boycottage de la guerre est une phrase stupide. Les communistes doivent partir pour n'importe quelle guerre réactionnaire », étant entendu qu'ils auraient employé toutes leurs forces pour empêcher la guerre.

« Il y aurait lieu de déclarer, qu'en ce moment surtout, après la guerre toute récente, seuls les imbéciles et Doriot n'est pas un imbécile ou les menteurs avérés peuvent soutenir qu'une telle réponse, à la question de la lutte contre la guerre, a une valeur quelconque. » Nous les bolchéviks, nous dénonçons les phrases. Nous savons avec l'exemple même de Laval, l'ancien hervéiste, où conduisent les phrases contre la guerre en général : elles conduisent à l'Union sacrée.

Il y a une autre voie, celle de Lénine, de Liebknecht. Nous ferons tout pour la paix, nous lutterons contre l'ennemi chez nous, ici en France, nous lutterons solidairement avec l'Allemagne de Thaelmann contre l'Allemagne de Hitler et contre les alliés de Hitler en France.

Mais si la guerre éclatait malgré nos efforts, nous ne serons pas des déserteurs, nous prendrons les fusils qu'on nous donnera, nous lutterons pour la victoire de l'armée rouge, pour la victoire de l'Union soviétique, pour le triomphe de la Révolution.

La seule certitude de paix, elle viendra avec le pouvoir des Soviets, mais en attendant il faut toujours plus lutter pour l'unité d'action entre ouvriers socialistes et communistes, il faut lutter toujours plus pour l'unité syndicale, il faut lutter pour un large front populaire, il faut rassembler ouvriers, chômeurs, fonctionnaires, employés, boutiquiers, artisans, paysans, intellectuels, dans le front du travail, de la liberté et de la paix.

Il faut gagner à nous ceux des travailleurs radicaux qui ne veulent pas suivre leurs dirigeants dans la capitulation vis-à-vis de Flandin et de l'Alliance démocratique ; il faut gagner à nous le peuple de notre pays, il faut aller en avant dans les élections municipales, il faut aller en avant contre la crise, contre le chômage, contre le fascisme, contre la guerre, pour le travail, pour le bienêtre, pour la liberté et pour la paix, et au-dessus de tout et pardessus tout, pour le pouvoir des Soviets qui assurera définitivement la paix du monde.

Figures marquantes de France: