27 avr 1937

Pour réaliser le programme. L'union du Front populaire doit être sauvegardée - Jacques Duclos (avril 1937)

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Jacques Duclos, avril 1937

Les événements tragiques de Clichy dont les ligues factieuses reconstituées en Partis portent la lourde responsabilité, ont servi de prétexte à de nouvelles attaques de la réaction contre le Parti communiste et contre le Front populaire.

La tactique constante des ennemis du peuple vise naturellement à dissocier les hommes qui prêtèrent le serment du 14 juillet 1935 et à dresser, les uns contre les autres, les partis dont l'union est indispensable à la sauvegarde de la liberté et des conquêtes sociales de ces derniers mois.

La presse au service des factieux a, naturellement, essayé de présenter les provocations de La Rocque et de Doriot sous un jour bien particulier. On a beaucoup parlé dans cette presse de la séance de cinéma organisée à Clichy par le Parti social français, qui fût à l'origine des sanglantes fusillades du 16 mars dernier. Mais on a omis de rappeler que, sous le couvert de semblables représentations cinématographiques, le Parti social français a procédé ailleurs à des rassemblements motorisés ayant un caractère régional. Bien entendu, ceux qui ont aussi tenté de dénaturer les faits, n'ont pas manqué d'accuser les communistes.

II faut bien dire malheureusement, que la Radio d'État avait, dès le lendemain des événements de Clichy, donné une version des faits susceptible de servir cette mauvaise cause, puis qu'aussi bien elle indiquait que le Comité local du Parti communiste avait organisé la contremanifestation, alors que c'est le Comité local du Front populaire, dont le président est le maire socialiste de Clichy, qui en avait pris l'initiative.

On ne peut que regretter une telle déformation des faits de la part de la Radio d'Etat, dont il faudrait bien d'ailleurs assurer la disposition aux divers partis, comme le prévoit le programme du Front populaire. Comme on le pense bien, la campagne forcenée de la presse réactionnaire, destinée à laver les factieux et à accuser les communistes, procédait d'un plan bien connu qui consiste à taper sur notre Parti pour mieux aboutir à la dislocation du Front populaire.

C'est là la méthode préconisée par l'Alliance démocratique de M. Pierre Etienne Flandin, qui, de ce point de vue, fait école.A l'occasion de cette campagne, la presse réactionnaire qui sert le fascisme et se fait l'instrument servile de l'hitlérisme, a essayé de se présenter comme défendant la liberté.

Les ennemis du peuple ont présenté notre Parti communiste comme hostile au principe de la liberté pour tous.

Ils ont essayé de mettre en relief de prétendues divergences sur cette question, entre nos amis radicaux et nous.

Ils ont essayé d'interpréter à leur manière le discours prononcé à Marommes par le président Daladier, qui avait dit avec raison : « La France veut la liberté pour tous les citoyens qui respectent la loi ». C'est là exactement la position défendue par notre Parti, qui a fait la démonstration que le « Parti social français » et le « Parti populaire français » sont des groupements de guerre civile et de lutte contre le peuple.

Des preuves irréfutables ont été apportées par nous, et le président du Conseil, notre camarade Léon Blum, a déclaré que « le Parti social français n'est que la reconstitution des Croix de Feu ». Il suffit, d'ailleurs, de lire le décret de dissolution des Croix de Feu pour voir comment les motifs de dissolution de ce groupement sont valables pour le parti de La Rocque et pour celui de Doriot.

Voici en effet la teneur de ce décret donnant la définition du groupement à dissoudre :

« Association... qui, par son organisation, ses permanences, ses formations en sections placées sous les ordres de chefs, les moyensde concentration rapide dont elle dispose, la subordination complète des ligueurs à leurs supérieurs ainsi que les consignes secrètes qui leur sont adressées, revêt sans contestation possible le caractère de groupes de combat ou de milices privées que définit et condamne la loi du 10 janvier 1936. »

Ce qui a été fait contre les Croix de Feu s'impose aujourd'hui contre le Parti social français et contre le Parti de Doriot (ce personnage devrait bien aussi être révoqué de sa fonction de maire de Saint Denis où il n'a donné que trop de motifs à des sanctions administratives aussi nécessaires qu'attendues).

Ces partis ne sont pas des partis comme les autres, et c'est pourquoi il faut en finir avec eux.

Au cours de la réunion du Vel' d'Hiv', le 18 mars, nous avons eu l'occasion de voir comment les travailleurs réagissaient contre les responsables du sang versé à Clichy en criant : « La Rocque, Doriot, en prison !».

Quant aux ouvriers de la région parisienne qui, le 18 mars également, firent cette grève d'une demijournée qui fut surprenante de grandeur et de discipline, ils exprimèrent clairement leur volonté de voir dissoudre les ligues.

C'est également cette même volonté qui se dégagea de la puissante et inoubliable manifestation qui, le 21 mars, rassembla tout un peuple frémissant et douloureux derrière les cinq cercueils des victimes de Clichy...

Oui, il faut mettre les ligues hors d'état de nuire. Il faut les dissoudre, en application même du programme du Front populaire.C'est cela qu'attend le pays qui ne comprendrait pas que l'on puisse faire preuve d'une mansuétude inquiétante à l'égard des fauteurs de guerre civile dont l'activité est inspirée par Hitler.

On est en droit de penser que personne n'a intérêt dans le Front populaire à faciliter l'activité criminelle des factieux, et c'est pourquoi il eût peutêtre été bon qu'une mise au point fît suite à la publication par le « Bulletin quotidien » (inspiré par le Comité des Forges) d'un article très curieux sur la séance de la Chambre, au cours de laquelle on discuta des événements de Clichy.

Voici comment, après avoir, bien entendu, félicité Doriot pour ses ragots anticommunistes, le « Bulletin quotidien » s'est exprimé : Le deuxième phénomène politique de la journée, c'est l'échec du scénario de réconciliation nationale pour lequel toute la séance avait été organisée.

Il est probable que l'inventeur et l'artisan principal de ce scénario n'était autre que l'honorable M. Frossard. Ce scénario n'était pas original. II s'inspirait de la fameuse séance de désarmement des ligues qui avait rapproché, un matin de la dernière législature, MM. Ybarnégaray et Léon Blum.

Il faisait appel, en partie, aux mêmes acteurs, en incorporant entre eux M. Bonnevay. Ce scénario a échoué. Maladresse des deux côtés ? Imprudences fortuites de langage exploitées par une majorité soucieuse de noyer les responsabilités du sang de Clichy dans une pluie d'incidents secondaires et d'alibis historiques ? Trop grande force encore des irréductibles, de droite comme de gauche ? Et le propre des irréductibles est de créer les incidents de séance. Quoi qu'il en soit, c'est en vain qu'au terme d'un discours, en certaines parties fort beau, M. Ybarnégaray a fait l'importantedéclaration suivante :

« A deux reprises, j'ai pris ici, au nom de mon parti, des engagements solennels.

Ils ont été strictement tenus. Aujourd'hui, avec la même loyauté et la même franchise, je vais faire une nouvelle déclaration qui engagera mon honneur personnel et celui de mon parti ; j'affirme que le Parti social français à été régulièrement constitué, avec l'autorisation et l'agrément du ministre de l'Intérieur.

Je dis que l'organisation de ce parti n'a rien de commun avec celle des Croix de feu, que nous ne sommes ni un parti de guerre civile, ni un parti de subversion sociale. Nous réprouvons la lutte des classes, nous croyons qu'il n'y a de salut que dans l'oubli des haines. J'affirme que nous réprouvons la dictature et que nous adhérons sans réserve au régime républicain. »

L'atmosphère dans laquelle cette déclaration fut faite n'était pas celle que l'on pouvait espérer.

Aussi c'est inutilement que M. Bonnevay s'acquitta, avec une habileté consommée, de la seconde partie de l'opération.

Après avoir lu le texte de l'invitation à la contremanifestation de Clichy, publiée dans le Populaire, il évoqua l'appel publié dans l'Écho de Paris le 6 février 1934. Il évoqua la nécessité de perfectionner la législation, notamment en matière de vente d'armes, mais surtout de désarmer les haines.

« La paix, conclutil, ne se conquiert que par la justice. La paix civile ne peut renaître que du respect des lois et des droits de chacun, dans la sauvegarde de la liberté. Les citoyens français ont le droit d'exiger autre chose que la liberté du silence. On ne fonde rien sur l'intolérance, ni sur la violence. C'est pour défendre la liberté que, souvent divisés, les républicains se sont toujours retrouvés et réunis. »

Certes, ces paroles trouvèrent à gauche un écho profond. Mais l'atmosphère n'était pas telle que M. Léon Blum, qui prit ensuite la parole, pût tenter une opération de grande envergure. Aussi dutil se cantonner dans un jeu d'équilibre difficile... etc.

Qu'ytil de vrai dans tout cela ? Nous n'en savons rien, mais en tout cas, si cette opération avait réussi, elle n'aurait pu aboutir qu'à légitimer l'existence des ligues reconstituées en partis, ce dont le pays soucieux d'ordre et non de « combines » subalternes, ne veut pas. Pour notre part, nous en tenant à la déclaration de Léon Blum, nous demandons que l'on dissolve le Parti Social Français qui n'est que la reconstitution des Croix de feu.

Notre Parti entend ainsi affirmer sa fidélité à la parole donnée quand il s'agit de défendre la liberté et d'assurer l'union du Front populaire.

Pour ce qui est de la défense du pain des travailleurs, c'est aussi la fidélité à la parole donnée, c'est la réalisation du programme du Front populaire qui constitue l'élément d'union indispensable des forces de gauche.

La retraite pour les vieux travailleurs, le fonds national de chômage, le vote des lois attendues par les commerçants et pair les paysans, voilà ce dont le Front populaire doit se préoccuper, d'autant plus que le plan des ennemis du peuple est non seulement d'empêcher que tout cela soit réalisé, mais aussi de porter atteinte aux réformes sociales obtenues (40 heures, congés payés, contrats collectifs, abrogation des décretslois frappant les anciens combattants et les fonctionnaires,etc.) Tout cela peut être fait, à la condition d'appliquer le programme du 3 mai en réalisant une véritable réforme fiscale qui fera payer les riches.

Notre parti a pour sa part élaboré un projet soumis à l'examen du Comité d'entente du Parti communiste et du Parti socialiste.

Souhaitons que notre proposition soit prise en considération, afin de faire droit aux légitimes revendications des masses travailleuses. En tout cas, nous avons le sentiment que nos propositions correspondent tellement aux désirs des masses qu'elles finiront par s'imposer.

Déjà des amis radicaux se sont prononcés favorablement sur cette question. A plus forte raison, pensonsnous, pouvonsnous compter sur l'adhésion de nos frères socialistes.

Cela serait d'autant plus important que, soucieux de réaliser au plus vite le parti unique de la classe ouvrière, nous avons proposé la convocation d'une conférence préparatoire au Congrès d'unité.

Ainsi notre Parti entend servir à la fois la cause de l'union du Front populaire et la cause de l'unité de la classe ouvrière dont nous sommes sûrs qu'elle serait un facteur de succès d'une force incomparable dans la lutte à poursuivre pour le pain, la liberté et la paix.

Les grandes questions: